Serge Jakobowicz, mon ami, mon Frère nous a quittés le vendredi 16 décembre.
"Nous a quittés", quelle drôle d'expression puisque les souvenirs de lui ne me quittent pas depuis ce jour. J'en est tellement dont les premiers ont presque cinquante ans.
Serge est passé à l'Orient éternel. Voici l'expression si maçonnique et si juste. Parce qu'en pensant à lui, en écrivant quelques mots sur lui, on fait qu'il vit encore en nous.
Né le 25 décembre 1946, après avoir milité dans le mouvement trotskyste, il était entré au Grand Orient de France dans le courant des années 1970. Il n'était arrivé au Grand Orient par le hasard d'une rencontre, d'un parrainage ou parce que c'est l'obédience la plus importante numériquement. Non, il était venu chercher, puis porter la quête insatiable de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité qui restera, sa vie durant, un marqueur essentiel. Il était convaincu que le GODF était l'endroit où le combat pour l'égalité et la laïcité était et serait le mieux porté.
Il n'a pas non plus été initié dans n'importe quelle Loge du GODF, mais au sein de la RL Salvador Allende. Le coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili fit payer de sa vie le frère Salvador Allende. Il paya de sa vie les réformes économiques et sociales que son gouvernement avait mis en œuvre. Salvador Allende assassiné, lui qui avait été vénérable d'une Loge portant le titre distinctif "Hiram" ! Et à la tête des assassins, le général Pinochet qui fut un bref moment maçon mais qui lui ne dépassa pas le grade de "compagnon". Etrange, non ?
J'ai connu Serge, qui avait 8 ans de plus que moi, en 1973 et nous avons été des amis, plus que des amis. Nous étions inséparables et le sommes restés de nombreuses années. Intelligent, curieux de tout, généreux, drôle, beau parleur, Serge était force d'entraînement. On ne pouvait que l'aimer.
Nous partagions des combats politiques qui aujourd'hui paraîtraient lunaires mais qui avaient comme caractéristiques de vouloir davantage de justice sociale et d'être "en même temps" farouchement opposés aux dictatures communistes.
Serge Jakobowicz m'avait entraîné dans la Loge Salvador Allende en 1986. J'avais trente ans. Quels que soient les plateaux qu'il occupait alors, il était l'un des animateurs les plus actifs de cette Loge. Je me dois de citer également Patrick Kessel (qui fut depuis Grand Maître de l'obédience), Michel Tubiana alors secrétaire général de la Ligue des droits de l'homme, Paul Parisot (immense figure du journalisme)...et je tais bien d'autres dont j'ignore s'il voudraient que leur nom apparaisse.
Salvador Allende regorgeait de talents, d'hommes brillants, impressionnants. Serge en faisait partie. Pour lui, l'eau était toujours trop tiède. Trop tiède la lutte pour préserver la République des communautarismes. Trop tiède le combat pour préserver la laïcité. Trop tiède le combat pour l'égalité qui pour lui rendait obligatoire le fait que le Grand Orient devienne mixte.
Alors , Serge, qui fut un temps Conseiller de l'Ordre, trouvait d'autres leviers complémentaires pour faire avancer ces combats. Naturellement il fut des initiateurs, avec Patrick Kessel du "Comité Laïcité République". Il fut, à la fin des années 1980, toujours avec Patrick, l'un des fondateurs du "Club des égaux" (non pas des égos, ni des nigauds, comme nous l'appelions parfois entre nous, sans doute à l'initiative de Serge qui savait toujours mélanger sérieux , humour et auto-dérision). Étant de cette petite équipe j'avais obtenu d'avoir la carte n° 007 du Club.
Puis nous nous sommes éloignés avec Serge. Cette maçonnerie très engagée ne me "parlait" pas vraiment. Alors que Serge combinait un engagement sans faille au GODF et au Parti Socialiste, au service desquels il mettait ses talents oratoires, sa malice, son sens de l'organisation (ce qui lui avait valu, en 2000, quelques déboires qui l'avaient énormément affectés, tant il était honnête dans sa démarche), j'ai quitté le Grand Orient.
Nous avons continué à nous voir, d'abord régulièrement, puis de moins en moins.
Il trainait sa sale maladie depuis plus d'un an. Je n'avais appris qu'il y a quelques semaines que c'était si grave. Quand je lui avais envoyé un SMS, il n'était déjà plus en état de répondre.
En réalité, la dernière fois que j'avais vu Serge c'était il y a dix ans. Il était venu visiter ma Loge à la Grande loge de France. Nous avions diné ensemble puis déjeuné quelques jours plus tard. Nous avions ri de nous mêmes et ne nos parcours respectifs.
C'est très étrange d'être ému aux larmes par le départ de quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis dix ans. On se dit qu'on est un drôle d'hypocrite.
On se demande si c'est lui qu'on pleure ou notre jeunesse envolée depuis longtemps...
Et, en même temps, on se demande si ce n'est pas cela l'amitié indéfectible, celle sur laquelle le temps n'a pas de prise.
Tu vois Serge, la vie éternelle existe, puisque je pense à toi.
Serge, mon camarade, mon ami, mon Frère.
Companero Serge, Presente !
A Sébastien son fils, à Nadia sa compagne et aux frères de la loge Salvador Allende, mes pensées les plus fraternelles.
Dominique Losay
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