Le Grand Orient de France passe à l’offensive avec les arguments et les thématiques qu’il maîtrise le mieux : les questions sociales et politiques.
C’est bien sur ce terrain là – où sa compétence ne lui est nullement contestée - que le Grand Orient de France entend développer sa réflexion et celle de ses membres.
Le Grand-Maître du Grand Orient de France, José Gulino, vient de rendre public un « Manifeste des francs-maçons du Grand Orient de France », sous-titré « une espérance républicaine pour le 21ème siècle ».
Ce ne sont pas moins de 24 pages de propositions qui émanent du Conseil de l’Ordre du GODF (texte validé par le Conseil de l’Ordre du 25 janvier 2013).
Comme l’écrit José Gulino dans sa lettre d’accompagnement aux frères et sœurs du GODF en date du 31 janvier 2013, il s’agit « d'un texte offensif d'exposition des questions dont nous sommes de longue date les animateurs et qui font la particularité de la réflexion maçonnique du Grand Orient de France ».
Pas de doute donc. Il s’agit bien pour le Grand Orient de France de rassembler les troupes sur les fondamentaux de l’obédience.
Guy Arcizet, le passé Grand-Maître l’avait dit à plusieurs reprises dont à sa dernière cérémonie des vœux : « La Franc-Maçonnerie est politique ».
L’actuel Grand-Maître, José Gulino, ainsi que le Conseil de l’Ordre confirment et signent des deux mains : La Franc-Maçonnerie du Grand Orient de France est bien politique.
Face au pôle initiatique et symbolique qui est en train de se regrouper autour de la future confédération des grandes loges régulières françaises (Grande Loge de France, Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, Loge Nationale française, Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française, Grande Loge Indépendante de France), le Grand Orient de France se revendique comme le fer de lance d’une maçonnerie politique et sociale.
Ce qu’il a toujours été, mais cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas manifesté avec autant de force. C’est un retour aux sources retentissant, comme un come-back aux années 1970 et 1980 où le GODF se voulait le laboratoire d’idées de la gauche et du parti socialiste. Une vraie affirmation identitaire. Y compris pour les frères et sœurs des loges qui se voulaient, au sein du GODF, tenant d’une voie symbolique.
Le GODF réaffirme puissamment la marque de fabrique de l’obédience, l’identité, même si les loges sont libres.
José Gulino précise dans la lettre d’accompagnement :
« Écrit à partir de contributions diverses, déjà existantes, produites par des loges ou nos commissions nationales, ce Manifeste a l'ambition de réunir des positions emblématiques de notre tradition humaniste, sur toutes les grandes questions du siècle. Il intègre nos contradictions internes ; il fixe nos buts à cet instant ; il est donc évolutif, même s’il formalise les fondamentaux de notre ordre. Il a pour vocation, une fois achevé, d'être remis aux parlementaires, aux élus locaux. »
Toutes les loges du GODF sont invitées à travailler sur le Manifeste et à y apporter des améliorations :
« Je te serais reconnaissant de me faire parvenir tes remarques, réactions, observations, et toute contribution utile avant le 30 avril prochain, à l'adresse mail créée spécifiquement à cette occasion. »
Dans une notice explicative jointe il est demandé aux membres du GODF de travailler sur le Manifeste :
« Le texte qui vous est soumis doit traduire tout à la fois la diversité de ces approches et la grande cohésion de pensée des FF et SS de notre obédience, qui s’inscrivent dans une démarche résolument progressiste. C’est pourquoi votre contribution sur ce document sera décisive quelle que soit la manière dont vous abordez la réflexion ».
« En février, mars et(ou) avril, l’Atelier pourrait organiser une tenue consacrée à un débat autour du Manifeste. Il conviendra que les membres de l’Atelier ait pu en prendre connaissance, s’en imprégner, voire préparer leurs remarques en amont. »
Nul doute donc que le travail autour de ce Manifeste ne soit la principale occupation des frères et sœurs du GODF dans les mois à venir.
Nul ne doute également que le Grand Orient de France ne présente sa démarche et son Manifeste aux autres obédiences de la franc-maçonnerie « libérale et adogmatique », les obligeant ainsi à se prononcer et à se positionner sur ses propres thématiques sociétales et politiques.
Ce Manifeste n’est-il pas destiné à être en définitive le Manifeste d’une nouvelle confédération d’obédiences maçonniques à vocation sociale et politique emmenée par un Grand Orient de France revenu à sa vocation première – et certains disent d’ailleurs, historique ?
Aucune initiative n’est le fruit du hasard. Il fallait sans nul doute au Grand Orient de France un événement mobilisateur et fédérateur en interne. Et, il faut bien le dire, clivant en externe. C’est faire là plusieurs pas en direction opposée du chemin pris par les obédiences régulières. Le fossé entre les deux conceptions de la Franc-Maçonnerie française est en train de s’élargir à vitesse grand V.
Mais le Grand Orient de France devait impérativement « reprendre la main ». Et il faut reconnaître qu’il le fait avec les thématiques qui lui conviennent le mieux. Et visiblement il entend jouer sur ses fondamentaux.
Certains au GODF – comme ailleurs – attendaient la réponse (ou la réplique) du Grand Orient de France à la recomposition du paysage maçonnique française : désormais ils l’ont.
Jean-Laurent Turbet
° Pour aller plus loin :
° Le site du Grand Orient de France.
° Le texte du Manifeste, sur ce site.
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Jean-Laurent Turbet
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