Lorsque dans le titre d’un de ses ouvrages on veut paraphraser René Descartes, ou même seulement faire allusion à lui, il vaut mieux ne pas se planter.
Et bien, Jean-François Pluviaud, dans son ouvrage « Discours de la méthode maçonnique » ne se plante pas, loin de là.
Fort de son expérience de plus de 35 années comme franc-maçon de la Grande Loge de France il se propose sinon de baliser le terrain, ce qui serait presque impossible, mais d’indiquer qu’il y a un chemin et que pour le parcourir à bon escient et pour qu’il soit profitable il y a des règles, une méthode et, pour les francs-maçons, essentiellement des devoirs librement acceptés.
Car le message que nous délivre Jean-François Pluviaud est clair. Sans méthode nous risquons, en empruntant de nombreux chemins, de nous perdre et en allant dans tous les sens de n’arriver nulle part.
Ce livre fait clairement suite au précédent intitulé « Critique de la Raison Maçonnique » publié en 2002. Mais la lecture de l’un n’est pas indispensable à la compréhension de l’autre.
Pour l’auteur, tout commence car pour « tous ceux qui s’engagent en maçonnerie, quelle que soit la manière dont ils l’expriment ou la nature de leur ressenti, tous ceux-là ont le désir de faire quelque chose, de ne pas être les spectateurs, mais les acteurs de leur vie ». (p19).
Il faut aussi que ceux-ci fassent une « rencontre avec un projet qu’ils pressentent être en mesure de satisfaire leur attente (…) contribuer au progrès spirituel et moral de l’humanité en travaillant à leur propre épanouissement » (p20).
Et l’auteur souligne également que « la perfectibilité de l’homme est l’un des ressors essentiels de la mécanique maçonnique » (p25). « Il doit cependant être bien clair que, dans le domaine de la croyance et de la spéculation métaphysique, la maçonnerie ne formule aucun interdit. Elle respecte ce qui est de l’ordre de l’intimité de la pensée, pour cela elle laisse à chacun de ses membres sa totale liberté de croyance, le droit et la possibilité, s’il en éprouve le besoin, d’assouvir à sa guise ses angoisses ou de chercher des réponses à ses questionnements existentiels à travers de spéculations mystiques ou philosophiques » (p29).
« La thérapie proposée, dans ce cas particulier, consiste à mettre de l’ordre dans la chaos qui est en l’homme (mettre en ordre, donner du sens et de la cohérence), ce qui par voie de conséquence, en préservant l’avancée de l’hominisation, influencera et peut-être changera durablement le destin de l’humanité. C’est ce que l’un des rites maçonniques (le Rite Ecossais Ancien et Accepté) exprime dans sa devise « Ordo ab chao ». (l’ordre à partir du chaos) ». (p35).
Et l’auteur propose une équation : « Ainsi tout est dit, l’équation maçonnique est posée. Un constat : l’humanité est en chaos. Un diagnostic : ce chaos est la conséquence du déséquilibre de l’homme qui est en manque d’esprit. Un remède : guérissons l’homme en lui redonnant de l’esprit » (p.37).
Jean-François Pluviaud s’emploie, dans les chapitres suivants à définir cette équation et à l’expliquer.
Puis il précise : « Dans cette coulée humaniste, le projet maçonnique se situe cependant de manière très particulière ; son originalité première est de magnifier et d’exalter le rôle de l’homme, non pas en tant qu’être pensant porteur par essence de droits et d’attributs attachés à son état, mais en le considérant seulement comme une potentialité, ce qui lui laisse la liberté et la responsabilité de devenir ou non un homme, au sens le plus noble du terme. Devenir l’outil de la transmission de ce en quoi nous croyons, un maillon solide et fiable de la chaîne. En un mot, dans la perspective maçonnique, c’est par l’exercice de devoirs et d’obligations librement acceptés et assumés que l’homme obtient des droits et acquiert sa dignité d’homme, d’homme vrai, l’homo moralis. Pour les maçons on ne naît pas homme, on le devient. C’est un humanisme de responsabilité ». (p.65).
Sur la spiritualité : « Pour qualifier ce « je ne sais quoi » qui les différencie de l’animal, les hommes ont le plus souvent utilisé le mot esprit, la spiritualité pourrait donc être l’appropriation par l’homme de cette part de lui-même qui le constitue en tant qu’homme. L’investissement du territoire qu’il pense être en lui celui de l’esprit, celui qu’Elias Canetti appelle « le territoire de l’homme » ». (p.73).
Ce qui fonde le franc-maçon est l’initiation. « L’initiation est chose grave, comme toutes les choses graves elle doit être abordée avec infiniment de simplicité, d’humilité et un peu d’intelligence, aussi ». (p88).
Et la pratique de la maçonnerie se fait avec un rite et la pratique d’un rituel. « Au Rite la pensée fondatrice, la référence métaphysique et historique, le credo en quelque sorte, au rituel la pratique, l’enseignement et la transmission ». (p.103). L’auteur développe naturellement sur les notions de rites et de rituels.
Je vous laisse ensuite découvrir par vous-même toutes les explications que donne Jean-François Pluviaud. Toutes très riches, très argumentées et surtout vécues.
Car c’est bien de lui dont l’auteur parle. C’est par comparaison, en regardant où il en est et où nous en sommes, que nous pouvons réfléchir et comparer. Et nous enrichir de son expérience. Cela peut nous faire gagner un temps précieux !
La démarche, si elle se fait avec les autres, est toujours intime et personnelle. Toutes les considérations générales ramènent donc forcément, à soi.
Enfin, Jean-François Pluviaud conclue : « Bien sûr, le travail paraît sans fin. des siècles et des siècles probablement. C’est un combat quotidien au cours duquel il ne faut jamais baisser la garde, malgré les défaites, les retours en arrière. Notre idée est en marche depuis des millénaires, peut-être était-elle déjà en germe dans la tête du premier homme qui s’est mis debout. (…) Dans la maçonnerie ce qui est éternel et doit être absolument préservé, ces sont les idées, les principes, les valeurs, en un mot ce qui constitue, l’âme et le cœur de la maçonnerie. (…) Que la Maçonnerie, dans sa forme actuelle, dans ses structures et ses organisations disparaisse, ce serait évidemment extrêmement dommage, mais il s’agit d’une société, humaine, donc mortelle, ce qui doit être immortel ce sont les idées.
La Maçonnerie c’est la vie, un certain sens de la vie et les maçons, comme la vie, doivent être inventés et réinventés en permanence » (p.204 et fin).
Tant qu’il y aura des Jean-François Pluviaud la Maçonnerie n’est pas prête de mourir. Le « Discours de la méthode maçonnique » est un livre à lire, à déguster et peut-être même tout simplement, à vivre.
Jean-Laurent Turbet.
° Le livre :
« Discours de la méthode maçonnique ».
De Jean-François Pluviaud.
Publié en janvier 2011 aux éditions Véga. 17 euros.
- Commandez le livre sur le site de la FNAC.
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Jean-Laurent Turbet
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