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Le Blog des Spiritualités

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La Grande Loge Symbolique Ecossaise, ou les avant-gardes maçonniques (1880-1911), de Françoise Jupeau Réquillard

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 7 Septembre 2009, 09:38am

Catégories : #Chroniques de livres., #Franc-Maçonnerie, #GLDF, #REAA, #GLSE, #JupeauRéquillard, #Histoire

nullQui se souvient encore aujourd'hui de la Grande Loge Symbolique Ecossaise? Peu de gens semble-t'il.

C'est pourquoi je souhaitais l'évoquer à travers le livre que Françoise Jupeau Réquillard lui a consacré il y a maintenant 11 ans, mais qui est encore disponible dans toutes les bonnes librairies.

Qu'est-ce donc que cette Grande Loge aujourd'hui disparue et qui donnât naissance indirectement à trois obédiences que nous connaissons bien, la Grande Loge de France, la Fédération Internationale Mixte du Droit Humain et la Grande Loge Féminine de France.

Pour comprendre les choses, il convient de faire un rapide retour dans le passé, même si Françoise Jupeau Réquillard ne remonte pas aussi haut dans le temps dans son ouvrage.

Après de multiples péripéties que je n'évoquerais pas ici, (départ d'Etienne Morien en 1746 vers la Jamaïque, création du rite de Perfection en 25 degrés transmis par Henry Andrew Franken...), le Rite Ecossais Ancien et Accepté revient en France en 1804 avec le Comte de Grasse-Tilly qui créer le Suprême Conseil de France en 1804, après avoir participé à la création du premier Suprême Conseil du monde à Charlestoin aux Etats-Unis en 1802.

Les loges écossaises du Grand Orient de France, qui ne veut alors pratiquer que le rite français, se placent sous son obédience. Les Grands Officiers du Suprême Conseil de France sont les hiérarques impériaux. La chute de l'Empire en 1815 entraîne sa mise en sommeil. Le Suprême Conseil de France est réinstallé en 1821 et a donc sous sa juridiction l'ensemble des loges écosssaises du premier au 33ème degré, fait unique dans l'histoire maçonnique, puisque d'ordinaire les Grandes loges gèrent les 3 premiers grades (apprenti, compagnon et maître) et les Suprêmes Conseils les grades supérieurs (du 4ème au 33ème degré).

Tout se passe bien jusque vers la seconde partie du 19ème siècle. Le premier événement marquant est la révolution de février 1848, la chute de Louis-Philippe 1er et la proclamation de la République. L'élan d'enthousiasme et de liberté est immense. Les Francs-maçons croient voir leurs idéaux parvenir au pouvoir. Dans la foulée des événements certains maçons veulent même créer une obédience unique, la Grande Loge Nationale de France, qui aura une durée de vie éphémère puis qu'elle s'éteindra en 1851. Il faut dire que l'enthousiasme sera de courte durée et que la révolte populaire de juin 1848 sera réprimée dans le sang après la victoire aux élections des républicains modérés.

Mais c'est bien à partir de 1848 que les idées nouvelles progressent dans les loges (idéal républicain, laïcité...) et que dans les loges des façons de voir nouvelles s''installent (francs-maçons libres dans une loge libre, refus des hauts grades...).

A partir de 1870 et surtout après les événements de la Communes les choses se gâtent et les frères supportent de moins en moins bien la tutelle du Suprême Conseil. Nombres de républicains viennent peupler les loges du Suprême Conseil. De fervents communards comme Jules Vallès ou le frère Thirifocq (membre de la Loge "Le Libre Examen"), appartiennent non pas au Grand Orient de France, mais bien au Suprême Conseil.

En 1868, une tentative de scisssion des loges bleues du Suprême Conseil échoue, mais ce n'est que partie remise. En 1880, 14 loges du Suprême Conseil de France font sécession et créent la Grande Loge Symbolique Ecossaise. Celle-ci ne délivrera que les 3 premiers degrés, ses membres étant hostiles aux grades supérieurs. Ces frères souhaitent pratiquer le Rite Ecossais Ancien et Accepté sans la tutelle des hauts grades. C'est ce qu'il vont faire pendant 14 ans (et un peu plus si l'on compte les années de la GLFE mixte et maintenue).

L'une des figures emblématique de la GLSE est Gustave Mesureur (1847-1925). Député du département de la Seine de 1887 à 1902, il fut également Ministre dans le Cabinet Léon Bourgeois (1895-1896) et Vice-Président de la Chambre des Députés (1898-1902). Il sera le premier président du Parti Radical en 1901. Il est initié en 1869 à la loge "La Justice" du Suprême Conseil de France. Fervent républicain il est excut de son obédience et est l'un des fondateurs de la Grande Loge Symbolique Ecossaise dont il assurera la grande maîtrise en 1882.

Le Suprême Conseil est bien contraint de s'apercevoir que la situation n'est pas tenable à long terme. C'est pourquoi en 1894, sous la pression des frères des loges bleues, il donne leur liberté aux ateliers symboliques, créant ainsi la Grande Loge de France, obédience indépendante de la juridiction. La Grande Loge de France devra encore batailler quelques années avant d'obtenir sa totale indépendance par rapport au Suprême Conseil.

Deux ans plus tard, en 1896, Gustave Mesureur et la quasi totalité des frères de la Grande Loge Symbolique Ecossaise rejoignent alors la nouvelle Grande Loge de France. Les frères de la GLDF ne tiendront pas rigueur à Gustave Mesureur de son départ du Suprême Conseil de 1880, puisqu'ils l'éliront Grand Maître par trois fois: de 1903 à 1910, de 1911 à 1913 et de 1924 à l'année de sa mort 1925. Fidèle à ses engagements, Gustave Mesureur refusa catégoriquement et à diverses reprises d'accéder aux hauts grades.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

En janvier 1882, avant la création de la Grande Loge de France, une loge de la GLSE, "Les Libres-Penseurs" à l'Orient du Pecq, se prépare à initier une femme, Maria Deraismes. La GLSE ayant refusé de donner son accord, cet atelier proclame son autonomie le 9 janvier pour procéder son initiation le 14 janvier. Pour ne pas causer d'ennuis à ses frères précurseurs, Maria Deraismes se retire ensuite, et la loge du Pecq rejoint, sans elle, son obédience d'origine peu de temps après.

Ce fut la première initiation féminine dans une loge masculine d'une obédience reconnue.

Onze ans après son initiation, Maria Deraismes réunit chez elle, les 1er juin 1892 et 4 mars 1893, seize dames de la bourgeoisie républicaine à qui elle va donner la Lumière Maçonnique. Assistée de Georges Martin, elle leur confère le premier grade symbolique d' apprenti-maçon le 14 Mars 1893; celui de compagnon le 24 mars et celui de maître le 1er avril. En tant que Vénérable fondatrice, elle fait procéder le 4 avril à l'élection des officiers et à la lecture des articles de la Constitution déposée au Ministère de l'Intérieur et à la Préfecture de Police, articles qui furent adoptés par vote.

Le titre de la nouvelle obédience fait explicitement référence à l'obédience qui a initié Maria Deraismes, puisque celle-ci l'intitule « Grande Loge Symbolique Écossaise "Le Droit Humain" ».

C'est cette obédience que nous connaissons aujourd'hui et qui prendra plus tard le titre d'"Ordre maçonnique mixte international « le Droit humain »".
Maria Deraismes ne verra pas le couronnement de son oeuvre. Le mal dont elle souffrait l'emporte le 6 février 1894. La tâche d'organisation et de développement du Droit Humain reviendra alors au docteur Georges Martin qui a quitté la GLSE pour fonder le Droit Humain..

Quelques loges,qui n'adhérèrent pas à la fusion de 1896 avec la Grande Loge de France, continuent à travailler jusqu'en 1911 sous le titre de "Grande Loge Symbolique Ecossaise, mixte et maintenue".

C'est l'une de ces loges, "La Philosophie sociale", qui initia Louise Michel en 1904 (grâce à l'une de ses membres, la féministe Madeleine Pelletier, membre, elle, de la loge "La Nouvelle Jérusalem") et également Alexandra David-Néel, dont la biographie raconte qu'elle a emmené dans tous ses périples autour du monde ses décors maçonniques.

Paradoxe, le Droit Humain, pourtant (ou justement?) obédience mixte, rompt ses relations avec la GLSE lorsque celle-ci devient officiellement mixte en 1901. Le docteur Georges Martin, qui a un caractère bien trempé, voit visiblement d'un mauvais oeil cette "concurrence déloyale". De plus, s'il prône une maçonnerie mixte avec de bons républicains et de bonnes républicaines, il sacralise la famille. Les positions féministes des soeurs de la GLSE, à l'image de Madeleine Pelletier, ne lui conviennent guère!

La Grande Loge Symbolique Ecossaise mixte et maintenue, alors qu'elle compte moins de 5 loges, disparait en 1911. Ses membres masculins rejoindront la Grande Loge de France. Les soeurs rejoindront les loges d'adoption que la GLDF créer alors pour les recevoir.

La Grande Loge de France se séparera de ses loges d'adoption à la fin de la Guerre. En 1945 est créée l'«Union maçonnique féminine de France» qui deviendra en 1952 la Grande Loge féminine de France. C'est en 1959 que le Rite écossais ancien et accepté (rite de la GLDF comme de la GLSE), devient le rite de l'obédience en remplacement du rite d'adoption.

Comme nous avons pu le voir brièvement, la GLSE, petite obédience, a été riche en postérité pour avoir contribué à la création et au dévellopement de trois obédiences maçonniques importantes qui existent toujours aujourd'hui, la Grande Loge de France, le Droit Humain et la Grande Loge Féminine de France.

Bien entendu, pour en savoir plus et pour connaître tous les détails de cette fantastique aventure, je vous invite à lire le très beau livre de Françoise Jupeau Réquillard.

Jean-Laurent Turbet.


Pour aller plus loin :

° "La Grande Loge Symbolique Ecossaise, ou les avant-gardes maçonniques (1880-1911)",
de Françoise Jupeau Réquillard
Editions du Rocher
Publié en décembre 1998
21€
ISBN : 2268031373

°
Louise Michel franc-maçonne, sur ce site

°
Alexandra David-Néel franc-maçonne, sur ce site.


° Françoise Jupeau Réquillard parle des femmes et de la Franc-Maçonnerie. Voir les vidéos ci-dessous :
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Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.

Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.

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Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonniqueTout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.

Quelles que soient mes responsabilités - ou non -  présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.

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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.

La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.

Jean-Laurent Turbet

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