De janvier 1998 à octobre 1999, cet "ange gardien de la moralité de la loge", comme l'a qualifié ironiquement la procureure Anne de Fontette, a formulé, ès qualités de doyen des juges, 43 demandes de bulletins de casier judiciaire national d'impétrants à la GNLF. "J'ai constaté qu'il y avait un emballement de demandes d'adhésion dans la perspective des élections du grand maître", s'est-il justifié.
De fait, le nombre de frères avait doublé en moins de deux ans, et M. Renard s'était "élevé contre cela" auprès du secrétaire provincial de son obédience. Il avait alors obtenu que celui-ci lui communique les listes des personnes qui voulaient être initiées, car il redoutait d'être "confronté à des situations embarrassantes". En fait de "situations embarrassantes", M. Renard ne voulait pas croiser "des imposteurs".
"La loge dépasse le cadre de relations purement amicales. C'est des relations fraternelles presque au sens familial du terme", a-t-il expliqué au tribunal. M. Renard a donc étudié le profil de ces personnes animées d'intentions qui lui semblaient "douteuses". "Pour moi, les plus dangereux sont ceux qui cherchent à se faire un carnet d'adresses en vue d'obtenir des marchés", a-t-il déclaré. Les agents immobiliers, par exemple, n'échappaient pas à ses investigations.
Pour Anne de Fontette, qui a requis contre le juge 10 000 euros d'amende et "au moins six mois de prison avec sursis", M. Renard "s'est servi de la loi au lieu de la servir". Il a, selon elle, "usé du pouvoir rattaché à ses fonctions" dans un but personnel tout en "mélangeant deux serments" : celui de la magistrature et celui de la maçonnerie. "Simple principe de précaution", a plaidé pour sa part Me Michel Cardix, l'avocat de Jean-Paul Renard, qui a réclamé la relaxe pour son client. Décision le 13 janvier 2006.
Yves Bordenave
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