C'est au tour du Monde des Religions de consacrer son dossier du mois à la Franc-Maçonnerie.
Mais comme toujours, le magazine dirigé par Frédéric Lenoir le fait avec beaucoup de sérieux et de rigueur et ne cherche pas le sensationnalisme.
D'ailleurs la démarche est dans le sous-titre : Histoire et spiritualité. C'est bien sur ces deux domaines que se concentre le Monde des Religions, ce qui fait un numéro pour le coup intéressant à lire.
En voici le sommaire agrémenté de quelues extraits:
° "Des bâtisseurs aux premières loges" par Roger Dachez.
Roger Dachez, président de l'Institut maçonnique de France et membre de la Loge Nationale Française est l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de l'histoire de la Franc-Maçonnerie. Et particulièrement de l'histoire des origines de la Franc-Maçonnerie.
Extrait : "Quelle qu’ait pu être leur origine, et quoi qu’il en soit de leurs connexions (très douteuses) avec des loges opératives, les premières loges spéculatives anglaises, si elles ont vraiment existé, avaient totalement disparu à la fin du XVIIe siècle. Il n’y a donc aucun lien entre elles et les quatre modestes loges de petits artisans et boutiquiers qui fondèrent, le 24 juin 1717, la Grande Loge de Londres. L’origine même de ces dernières est inconnue : par conséquent, elles sont dites « de temps immémorial »… Ce jour-là, au premier étage d’une humble taverne du quartier Saint-Paul, quelques hommes s’assemblèrent, selon des formes rituelles que nous ignorons, et ils ne laissèrent aucun compte-rendu de ce qu’ils firent : le seul récit qu’on en possède fut rédigé plus de vingt ans après !"
° "Des mythes édifiants" , par Valérie Larousse.
Extrait : "Cette légende créée de toutes pièces fait d’Hiram l’idéal du maçon. Dès lors, il n’est pas surprenant que nombre de rituels maçonniques fassent référence à lui. Ainsi, dans la cérémonie d’accession au troisième degré - celui de maître -, l’impétrant s’identifie à Hiram. Il est symboliquement tué, puis placé dans une sépulture dont il va finalement être relevé, investi des qualités de son modèle (courage, probité, excellence). Goethe, qui « en était », raconte dans son poème Nostalgie bienheureuse que la cérémonie s’achève par l’exhortation : « Meurs et deviens ! » Tout comme l’illustre architecte, le maître maçon accède à une nouvelle existence. Peu à peu, il bâtit son temple intérieur…".
° "La "Synagogue de Satan", par Henri Tinq.
Extrait : "La Révolution est attribuée à un « complot maçonnique » par l’abbé de Barruel dans ses célèbres Mémoires (1797).
Thèse rejetée par l’histoire : s’ils ont servi de relais à la diffusion des idées nouvelles, les « ateliers » maçonniques ne furent en rien des officines de subversion. Mais le discours
contre-révolutionnaire se confond de plus en plus avec la vulgate anti-maçonnique. La cour de Rome reste à la pointe du combat, suivie par les épiscopats nationaux. La liste des interventions
contre la « secte » et contre les « premiers-nés du diable » s’allonge. Tous les papes du XIXe siècle consacrent au moins une encyclique à la dénonciation des sociétés
secrètes. La lutte contre la franc-maçonnerie est inséparable de celle que mène l’église, avec la véhémence que l’on sait, au libéralisme, au scientisme, au positivisme, au modernisme.
Elle atteint son sommet dans la chasse aux carbonari qui menacent le pouvoir temporel du pape en Italie. La prise de Rome en 1870 est attribuée à l’action conspiratrice et révolutionnaire de
maçons comme Cavour et Garibaldi, artisans de l’unité italienne. D’où l’acharnement que met Pie IX, le dernier pape roi de Rome, à condamner la franc-maçonnerie et ses « chefs
occultes ». "
° "Un ferment de la Nation américaine", par Macha Fogel.
Extrait : "Tout comme les loges françaises de 1789, les loges américaines comptent leurs révolutionnaires et leurs conservateurs, leurs monarchistes et leurs républicains. Elles n’ont certainement pas, par la seule diffusion des idées des Lumières, provoqué le déclenchement de l’insurrection. Notamment parce que la révolte avait aussi de puissantes raisons économiques. Dès les années 1760, les colons protestent contre les taxes de plus en plus lourdes que leur impose la Grande-Bretagne. Le mécontentement prend de l’ampleur, tant et si bien qu’en 1773, un petit groupe d’hommes, qui a l’habitude de se réunir sous le nom de « Fils de la Liberté » à Boston, décide d’une initiative originale: ce sera la « Boston Tea Party »."
° "Le Mythe tenace du complot", par Virginie Larousse.
Extrait : " C’en est fini de la monarchie, mais pas des turbulences politiques. Car en 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, devient Napoléon III, empereur des Français. Si le personnage a de quoi séduire les maçons - c’est un ancien carbonaro, un charbonnier -, ces derniers restent, envers et contre tout, attachés à la liberté. Ils le prouveront lors de l’épisode tragique de la Commune (1871), durant lequel ils prendront les armes contre… la jeune IIIe République, jugée par trop conciliante vis-à-vis des Prussiens qui occupent une partie du pays depuis la débâcle du Second Empire. « Frères, la Commune, défenseurs de nos principes sacrés, vous appelle à elle. Vous l’avez entendue et nos bannières vénérées sont […] brisées par les obus de nos ennemis. […] Heureux ceux qui succomberont dans cette sainte lutte! » Pour la première fois de l’histoire, une partie de la maçonnerie participe, à visage découvert et en tant qu’institution, à un événement politique. Quitte à en payer le prix fort, puisque plusieurs de ses membres seront condamnés à mort."
° "L'univers créé par un "Divin Architecte", par Jack Chaboud.
Extrait : "En revanche, le travail symbolique à sa gloire introduit ses adeptes dans un monde qui rejette les fondamentalistes attachés à des dieux de bruit, de fureur et d’exclusion. Dans cet esprit, les rites de la maçonnerie résonnent de leur origine chrétienne, mais entrouvrent leur porte à une spiritualité à vocation universelle, ce qui est fort novateur pour l’époque. Ainsi, en affirmant qu’il n’est pas une religion de substitution, en sécularisant le sacré, le mouvement maçonnique créé une voie entre théisme, déisme et incroyance, qui convient à la plupart des frères."
° "Des rituels pour atteindre la Lumière", par Camille Dubrueth.
Extrait : "Tout comme lors de la fermeture, le Vénérable Maître en charge de ces cérémonies récite des formules, scandées par des coups de maillet et ponctuées d’acclamations des frères. Les jeux de lumière et la musique trouvent aussi leur place dans ces rituels. La fermeture d’une loge est aussi l’occasion de coutumes particulières. Le passage du « sac aux propositions » est destiné aux maçons souhaitant soumettre de nouvelles candidatures, mais aussi des demandes d’augmentation (l’augmentation concerne ici, non pas une question pécuniaire, mais une accession à un grade plus élevé). "
° "La nébuleuse ésotérique", par Jack Chaboud.
Extrait : " Cette renaissance rosicrucienne fut l’œuvre d’un pasteur allemand qui revendiquait les influences hermétiques et gnostiques et élabora un système de grades inspirés de la maçonnerie, couronné par des « Supérieurs Inconnus ». Le mouvement, confidentiel, disparut à la fin du XVIIIe siècle. à cette époque, l’écossais André Michel de Ramsay revendiqua une filiation chevaleresque de la maçonnerie, au travers des croisés. Dans cette mouvance, naquit une légende selon laquelle des Templiers réfugiés en écosse auraient été à l’origine de la franc-maçonnerie. Cette vision fantasmatique inspire toujours certains maçons - des illuminés ou des charlatans."
° "Un cheminement intérieur", par Nathalie Ferron.
Il s'agit de l'interview de 5 francs-maçons et francs-maçonnes, dont votre serviteur.
Extrait : "Après avoir reçu dès son plus jeune âge une stricte éducation religieuse, Florence fait partie des « déçus » du catholicisme: heurtée par le « manque de tolérance », le « dogmatisme » et l’« incompréhension », elle n’a pas pour autant perdu de vue son idéal de fraternité et d’amour. Et c’est bien cet appétit spirituel qui la pousse, une quinzaine d’années plus tard, à se tourner vers la franc-maçonnerie: « Les rituels, c’est fondamental, même si au début, ça m’agaçait, dit-elle. Je trouvais que c’était une perte de temps. En réalité, c’est une étape indispensable pour faire silence et se sentir disponible. » "
° Pour aller plus loin :
° Le site du Monde des Religions.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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