Il s'agit d'un point de vue d'Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient de France intitulé : "Les Soeurs sont nos Frères" :
En 2002, alors que j'exerçais les fonctions de grand maître du Grand Orient, pour la première fois, l'exécutif avait pu obtenir un vote du convent (assemblée générale des loges) sur deux questions : l'initiation des femmes et l'affiliation des soeurs. Nous avions été battus par une majorité de 75 % des voix. Mais pour la première fois les loges avaient pu passer outre la procédure d'évitement dite "passage à l'ordre du jour" qui permettait de ne pas aborder les questions qui fâchent.
En 2007, avec courage, mon successeur a tenté de reprendre le dialogue. A 57 % les loges n'ont pas voulu aborder la question. Des loges ont donc décidé de passer outre. Autant pour que le débat ait lieu véritablement que pour marquer le fait accompli.
Le paysage maçonnique français est déjà composé de fédérations de loges (obédiences) masculines, féminines et mixtes. Et depuis 1921, le Grand Orient a établi, seul et toujours seul aujourd'hui, des relations avec ses partenaires (droit humain, mixte, d'abord, puis après 1945 et la création de la Grande Loge féminine de France, seulement féminine).
Créateur de la loi de 1901 (qui succédait à la Constitution de 1848), le Grand Orient ne peut ignorer la place des femmes dans la franc-maçonnerie. Il ne peut en contrepartie ignorer la réalité des choix librement consentis par ceux qui veulent travailler ensemble. On peut vouloir travailler dans une loge masculine, une loge féminine ou une loge mixte. On ne peut être forcé à le faire.
DÉMOCRATIE INTERNE
Si la méthode du "coup de force" est toujours à proscrire (et pas seulement dans la franc-maçonnerie), il existe des méthodes permettant de construire un consensus sur la manière de progresser. D'abord en reconnaissant les soeurs comme des frères comme les autres. En leur donnant accès aux travaux des loges du Grand Orient et en condamnant celles qui refusent l'accès des soeurs.
Ensuite en proposant de construire intelligemment une fédération de loges masculines, féminines et mixtes dans le Grand Orient de France qui a déjà la chance, depuis sa fondation, de travailler à tous les rites disponibles dans la franc-maçonnerie. Mais surtout en respectant la démocratie interne qui veut que l'assemblée générale puisse décider librement sans éviter le débat.
En réfléchissant ensuite à une Confédération maçonnique de France, rassemblement de toutes celles et de tous ceux qui partagent les valeurs communes de la maçonnerie française. Affaiblir la principale obédience maçonnique française ne sert que les adversaires de la cause légitime défendue par des loges souveraines qui veulent initier des femmes.
La justice maçonnique, comme celle de la République, ne sont pas les outils adéquats pour résoudre ce problème. Il faut que les loges, par référendum interne, marquent leur préférence de loge. Que le Grand Orient fasse preuve d'ouverture en leur laissant la liberté d'initier qui elles veulent. Et qu'une conférence rassemblant le Grand Orient, le droit humain, les grandes loges mixtes et la Grande Loge féminine de France puisse commencer à tracer la voie d'une évolution nécessaire mais surtout volontaire.
Alain Bauer est franc-maçon, ancien Grand Maître du Grand Orient de France de 2000 à 2003.
Pour aller plus loin :
° Lire l'article sur le site du Monde
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