J'avais fait un billet d'humeur à ce sujet sur ce bloc-notes, intitulé Sarkozy et la "laïcité positive".
Il faut dire que les commentaires ont été aussi nombreux que peu médiatisés après les propos du chef de l'Etat français sur la laïcité, propos je le rappelle, tenus depuis le Vatican.
Voici les communiqués du Grand Orient de France :
° Communiqué du 21 décembre 2007 :
« Visite du Président de la République à Rome ».
Une visite qui suscite des inquiétudes.
Le Président de la République Française vient d'effectuer une visite officielle au Vatican au cours de laquelle il a pu
réaffirmer sa vision particulière du fait religieux.
Le Grand Orient de France veut dire son inquiétude face à
toute volonté de présenter le fait religieux comme constitutif de l'identité politique et citoyenne, ce qui
pourrait entrainer une sérieuse inflexion du modèle Républicain Français.
Si l'histoire a fait de la France, la « fille aînée de l'Eglise », en revanche, la République a su opérer une émancipation
salvatrice vis-à-vis du religieux, en forgeant souvent avec difficulté, le concept de laïcité et en le faisant
vivre.
La République, Notre République est une République Laïque. La laïcité c’est le vivre ensemble, malgré nos différences.
Le GRAND Orient de France veut dire son inquiétude face à toute présentation nouvelle du fait religieux qui sous le sceau de la modernité nous obligerait à un véritable recul intellectuel et politique.
Dans cet esprit, le Grand orient de France appelle tous les Hommes de progrès à rester plus que jamais vigilant face à une
réforme de la loi de 1905 qui —obéissant à une telle logique — représenterait un véritable danger pour la
République.
° Communiqué du 12 décembre 2007 :
« Un inquiétant retour du religieux »
Nous vivons actuellement — en France comme en Occident — une véritable révolutionsilencieuse caractérisée par un retour inquiétant du religieux. Sous l'assaut de courants et dedoctrines les plus réactionnaires, voilà que l'Homme — moderne, postmoderne — nous estprésenté pleinement épanoui grâce à la redécouverte du fait religieux.
Ainsi, lentement, assistons-nous au triomphe du sujet religieux, effaçant petit à petit le sujetpolitique, rationnel universel.Ce tournant historique revêt les plus graves dangers. Les anti-Lumières sont entrain deprendre leur revanche.
Comment ne pas constater que les différentes églises et les différents clergés — toutes religions confondues — s'arrogent chaque jour de nouveaux droits. Devant la faible résistance des institutions démocratiques et républicaines en Europe, ils en réclament toujours plus.
Ici, il s'agit de moderniser une loi de 1905 soudain devenue archaïque ; Là encore, voir béatifier par le Vatican des victimes religieuses de la guerre Civile espagnole au moment même où cette grande démocratie tente avec courage d'examiner son passé douloureux ; ou encore récemment, assister au retour incroyable « des indulgences plénières » promises par lePape Benoit XVI, aux pèlerins de Lourdes en 2008.
Tous ces signes nombreux ne sauraient tromper. Ils sont doublement inquiétants devant lafaible résistance des institutions républicaines comme devant l'écho favorable que l'ensembledes médias leurs réserve.
Nous voilà en présence d'une véritable offensive intellectuelle et culturelle. Le Grand Orient de France veut dire sa plus vive inquiétude devant ce déséquilibre persistant entre les pensées religieuses et les pensées agnostiques ou athées au détriment des dernières.
Qui ne voit que leurs vertus émancipatrices sonnent faux quand il s'agit de soumettre les Hommes à un ordre éculé et non de les libérer ?
Le Grand Orient de France appelle à la plus extrême vigilance face à cette offensive généralequi travaille contre l'émancipation des Hommes, contre leur Liberté.
° Communiqué de Jean-Michel Quillardet, Grand Maître du
Grand Orient de France :
« Des racines chrétiennes »
Agnostiques, athées, chrétiens ou non chrétiennes se trouvent en quelque sorte blessés parl’affirmation du Président de la République considérant :
«Que s’il existe une morale humaine indépendante de la morale religieuse, laRépublique a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée des convictions religieuses.
D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas associée à une espérance qui comble l’aspiration àl’infini…»
Chacun dans la République laïque, justement, est libre d’espérer, de désespérer, ou de ne rienattendre …
Qui peut juger la justesse de la recherche de chacun d’entre nous et de ses positionnements àl’égard des origines, des mystères de la vie et de la mort ? Pas le Président de la République,certainement pas la République, pas un quelconque Etat.
Il y là une tentative d’imposer, en quelque sorte, à chaque citoyen la nécessité d’une dimension spirituelle qui ne peut que provoquer la colère de ceux qui partagent ce projet d’unpacte républicain et laïque.
La morale laïque, la pensée philosophique athée, la pensée agnostique ne sont-elles pas, elles aussi, constitutives de notre nation ? Quelle est cette idée saugrenue de considérer que le christianisme a façonné la nation française ?
Certes, il faut citer Péguy, Claudel ou Bernanos. Et également André Gide, Sartre, Camus…
Mais Le christianisme tout au long des siècles, en tout cas du Moyen-âge à la Révolution Française s’est aussi traduit par un catholicisme d’Etat qui n’était pas particulièrement épris des libertés individuelles et qui participait institutionnellement à l’absolutisme politique.
Comment ne pas oublier le Chevalier de la Barre qui fut roué parce qu’il n’avait pas enlevé son chapeau devant une procession religieuse ?
Voltaire le défendit.Faudra t-il trouver de nouveaux Voltaire ? La France a de multiples histoires : la Grèce, Platon, Socrate, Aristote et Rome, naturellement… L’Eglise Catholique, sans doute,
mais surtout l’humanisme de la Renaissancedu XVIème siècle et la pensée des Lumières qui prône la liberté absolue de conscience sonttout aussi porteurs de l’identité nationale.
Mais il y a bien eu une rupture en 1789 entre deux formes de société proposée. Celle qui prône le religieux, l’inné et l’autorité et celle qui, au contraire, met en avant le libre examen,l’acquis
et la liberté.
La laïcité n’est pas épuisée et elle ne mène pas au fanatisme. Elle est le moteur pour empêcher les savoirs imposés, les dogmes et les cléricalismes de quelque sorte qu’ils soient.
La laïcité n’est ni négative, ni positive. Elle est la laïcité.
Peu importe nos foi, nos recherches et quêtes personnelles, les seules racines qui sont aujourd’hui celles de la France sont celles de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, c’est à dire
de la République fondatrice du projet citoyen et national.
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