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Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) doit devenir " l'os dans la gorge des croisés américains et français ". Ainsi s'exprimait le numéro deux d'Al-Qaida, dans une vidéo diffusée le 11 septembre. Ce jour-là, Ayman Al-Zawahiri officialisait le ralliement de l'organisation algérienne à la mouvance djihadiste, esquissé depuis déjà trois ans. Composé de 500 à 800 combattants, le GSPC, héritier du Groupe islamique armé (GIA), constitue actuellement la principale source d'inquiétude des services français.
Il devait se trouver au coeur des entretiens avec le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, en visite officielle à Alger les 13 et 14 novembre. Des analyses récentes, émanant de différents services, dont Le Monde a eu connaissance, décryptent le regain d'activité du GSPC en Algérie - dix militaires algériens ont été tués et treize blessés, le 8 novembre, dans une embuscade attribuée au GSPC, à l'est d'Alger - et la menace potentielle qu'il représente pour la France.
La question des amnistiés. Le 28 août a expiré officiellement l'amnistie offerte aux combattants islamistes par le président Abdelaziz Bouteflika en vertu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Au total, 2 629 détenus ont été amnistiés et remis en liberté, alors qu'à peine 300 auraient déposé les armes.
Parmi les amnistiés figurent, selon les services français, plusieurs centaines d'anciens du GIA qui n'ont pas renoncé à frapper les régimes algérien et français. Or Alger n'a pas transmis aux autorités françaises la liste des anciens prisonniers. Paris redoute à présent l'arrivée clandestine de certains amnistiés, alors que plusieurs dizaines d'islamistes, surtout algériens, ont été frappés d'une interdiction définitive du territoire.
La cellule d'Alger. Le GSPC, fondé en 1998, organisé en neuf " régions ", ne semble pas en voie d'extinction, malgré la pression militaire qu'il subit. Au contraire, il aurait reconstitué cet été une cellule opérationnelle à Alger, dont la police locale connaissait l'existence fin août. Composée d'une quinzaine de membres et dirigée par Rabah Mokfi, conseiller militaire d'Abdelmalek Droukdal, l'émir du GSPC, cette cellule serait responsable des deux attentats à la voiture piégée contre des commissariats de police dans la banlieue est d'Alger, le 30 octobre. Ces attentats, qui constituent une première depuis trois ans, ont fait trois morts et vingt-quatre blessés.
Les deux katibats du nord Mali. Selon les services français, la situation dans le nord du Mali est potentiellement explosive. Deux katibats - ou brigades du GSPC - y sont présents et cherchent à fédérer les combattants des pays avoisinants. Leur noyau serait constitué, au total, d'une quarantaine de personnes. Depuis un an, ils auraient conduit des attaques et organisé des stages de formation militaire pour des volontaires étrangers, dont une cinquantaine de Mauritaniens. " Les stagiaires sont insérés dans les katibats et initiés aux kalachnikovs et aux explosifs artisanaux ", explique un haut responsable du renseignement. Souvent en mouvement pour échapper aux satellites, les membres des katibats vivent dans de grandes tentes. Certains étrangers auraient exprimé leur déception devant l'incapacité du GSPC à les conduire en Irak ou en Afghanistan, pour poursuivre leur djihad.
Le principal fait d'armes du GSPC dans cette zone a été l'attaque d'une caserne en Mauritanie, conduite par les deux katibats, le 3 juin 2005. Les services occidentaux signalent qu'en septembre, Abid Hamadou, chef du katibat Tariq ibn Ziad, voulait acquérir des AK-47, des mitrailleuses, des obus de mortiers, des roquettes ainsi que 1 000 grenades.
Les Touaregs, qui représentent 80 % de la population dans le nord du Mali, sont entrés en conflit ouvert avec le GSPC. Ils reçoivent une aide logistique des services algériens, et même américains. Les islamistes, eux, ont pour alliés les Arabes bérabichs, leurs partenaires dans les trafics qui financent la cause.
Le 19 septembre, les services algériens ont conduit une opération discrète au nord de Tessalit pour éliminer Ahmed Zerfaoui, un homme important dans la région, qui servait de contact pour les combattants étrangers venus s'entraîner. Cette embuscade a été tendue avec la complicité des Touaregs. La réponse du GSPC n'a pas tardé : un convoi de Touaregs est tombé dans une embuscade, le 23 octobre ; six hommes sont morts.
Le 4 octobre, les services algériens ont aussi lancé une opération contre le chef du principal katibat, Mokhtar Belmokhtar. L'opération a échoué. Selon les services français, Belmokhtar, parce qu'il a des troupes hors d'Algérie, pourrait à l'avenir constituer un concurrent pour Abdelmalek Droukdal, le chef du GSPC.
Menace sur la France. Selon les services, il n'existe pas de cellule du GSPC clairement identifiée sur le territoire français. En revanche, des liens auraient été établis entre l'organisation terroriste et d'autres individus, liés au djihadisme international, dont les nouveaux représentants ont souvent la nationalité des pays qu'ils prétendent frapper, comme l'ont illustré les attentats de Londres en juillet 2005.
Le rapprochement entre le GSPC et la mouvance djihadiste pourrait avoir aussi des conséquences dans les modes opératoires. Après son arrestation le 28 mai en Mauritanie, un ingénieur membre du GSPC a confirmé que des attaques suicides étaient envisagées.
Le GSPC compte aussi sur la réactivation de ses contacts avec d'anciens sympathisants, en France, en Italie et en Allemagne, qui avaient pris leurs distances pour se consacrer à divers trafics (vêtements, cigarettes, voitures, drogues). " L'exemple parfait de ces liens a été le cas du réseau dirigé par le Français Safé Bourada, démantelé en septembre 2005, explique un haut responsable policier. Ce groupe, qui voulait réaliser des attentats en France, était en contact avec le GSPC en Algérie. "
Autre exemple, celui du Franco-Marocain Aakil Chraïbi, considéré comme l'animateur d'un groupe démantelé à Montpellier. Il a été arrêté en Algérie, fin 2005, alors qu'il était, selon les policiers français, sur le point de livrer des dispositifs de télécommande pour explosifs au GSPC. Selon l'enquête de la Direction de la surveillance du territoire (DST), un membre de ce groupe de Montpellier voulait entraîner ses camarades dans un stage de formation au combat dans les maquis du GSPC, prévu cet été.
Gérard Davet et Piotr Smolar
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