Un article intéressant à lire : "Francs-Maçons en colère" :
Si certains se demandaient à quoi pouvaient encore bien servir les francs-maçons, Nicolas Sarkozy leur a fourni la réponse. Il a réveillé les loges qui ont démontré qu'elles ne badinaient pas avec la laïcité. Après le discours du Latran, Jean-Michel Quillardet, le grand maître du Grand Orient de France, a été le premier à réagir, suivi par sept obédiences, du Droit humain à la Grande Loge féminine de Memphis Misraïm. «Nous avons immédiatement demandé un rendez-vous à l'Elysée, raconte-t-il. Nous avons été reçus dès le 8 janvier.» Une heure d'entretien avec cinq anciens grands maîtres dont Alain Bauer, un proche de Sarkozy. «Ce n'est pas vous, les francs-maçons, qui aimez tant débattre, qui allez me reprocher de faire la même chose, leur a lancé le président. J'ai des convictions religieuses, je ne vois pas pourquoi je ne les exprimerais pas.» Finalement, Nicolas Sarkozy a su trouver les mots pour rassurer les frères sur son attachement à la «morale laïque». En retour, ils lui ont proposé de venir parler devant le Grand Orient. Invitation acceptée. Ce sera après les élections municipales. «C'est un signe fort de reconnaissance», s'est félicité Quillardet. Quelques jours plus tard, il a déchanté en découvrant le discours prononcé à Riyad. Pourtant - sans doute pour lui faire plaisir - le président avait trouvé le moyen d'évoquer les francs-maçons et les libres-penseurs. Devant le roi d'Arabie Saoudite, du jamais-vu.
Paradoxal Sarkozy : il sera le premier chef de l'Etat en exercice à rendre une visite officielle aux maçons depuis Albert Lebrun en 1932. Alors qu'on n'a jamais compté aussi peu d'«initiés» dans son entourage («Il y en a un au gouvernement, mais même sous la torture je ne dirai pas qui», plaisante Jean-Michel Quillardet), alors surtout qu'il soulève l'indignation dans les temples («Jamais un président n'est allé aussi loin dans une reformulation des rapports entre la religion et l'Etat», dit encore le grand maître Quillardet). Le Grand Orient vient de lancer sur internet un appel à la défense de la laïcité (www.appel-laïque.org), avec une soixantaine de syndicats et d'associations (CGT. FSU, SGEN-CFDT, Unsa Education, Ligue des Droits de l'Homme ou Ligue de l'Enseignement...). «Les déclarations récentes de M. Sarkozy, mêlant ses convictions personnelles et sa fonction présidentielle, portent atteinte à la laïcité de la République», dit la pétition, qui a déjà réuni des milliers de signatures. Le 19 février prochain, Bernard-Henri Lévy donnera une conférence au siège du Grand Orient. Un «fils de la veuve», BHL ? «J'ai beaucoup de tares, ironise le philosophe, mais je ne suis pas maçon. Simplement, j'ai accepté cette conférence parce que Nicolas Sarkozy est en train d'inventer un nouveau modèle de présidence qui me paraît dangereux. Il a tellement banalisé la fonction, qu'il lui a enlevé tout mystère. Résultat : le religieux revient en force dans l'espace public» .
Marie-France Etchegoin
Le Nouvel Observateur
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