Le Grand Maître du Grand Orient de France, Jean-Michel Qulliardet, a donné une interview au Nouvel Observateur concernant les propos tenus par Nicolas Sarkozy sur la "laïcité positive", depuis le Vatican.
Voici cette interview :
Grogne des francs-maçons contre Sarkozy
«Une défaite de la République»
Jean-Michel Quillardet, grand maître du Grand Orient de France, fustige le discours de Nicolas Sarkozy au Vatican et dénonce une atteinte à la laïcité. Entretien
Le Nouvel Observateur. - Au Vatican, Nicolas Sarkozy a parlé des «racines chrétiennes de la France» et a évoqué «la contribution de
l'Eglise catholique pour éclairer nos choix et construire notre avenir». C'est ce qui vous a choqué ?
Jean-Michel
Quillardet. - Nous sommes profondément inquiets et blessés par sa volonté de réintroduire la morale religieuse au sein de la société, par ses déclarations virulentes sur la morale laïque
qui pourrait, dit-il, conduire au fanatisme, sur l'impossibilité de vivre sans espérance, ou encore sur les racines chrétiennes de la France. C'est une vision simpliste de l'histoire. Bien
entendu, la France a des racines chrétiennes. Mais il faut distinguer entre le christianisme et l'Eglise catholique, qui a toujours participé de l'absolutisme politique et religieux, et rappeler
aussi nos racines grecques, l'humanisme de la Renaissance et, surtout, la pensée des Lumières, qui énonce la liberté absolue de conscience. Nous sommes blessés d'entendre dire qu'un non-croyant
est marginal et de voir sa démarche intellectuelle ainsi ravalée au second plan. Je pense du reste que même des chrétiens, comme François Bayrou, ne peuvent que se sentir heurtés par de telles
affirmations. Enfin, que signifie cette «laïcité positive» ? La «laïcité positive», c'est «la laïcité, mais». C'est une régression d'autant plus grave qu'elle vient du chef de l'Etat. De de
Gaulle à Chirac, on n'avait jamais entendu pareils discours dans toute l'histoire de la Ve, ni vu un chef d'Etat avoir une pratique aussi ostentatoire de son culte. On est encore dans la
manipulation des symboles. Tout cela nous paraît extrêmement dangereux pour le pacte républicain qui permet à chacun de vivre avec sa foi ou sa non-foi.
N. O. - Sarkozy avait déjà exprimé, en tant que ministre de l'Intérieur et dans son livre «la République, les religions, l'espérance», son désir défaire évoluer la loi de
1905.
J.-M. Quillardet. -Nous nous étions beaucoup alarmés au moment de la publication du rapport Machelon qui préconisait
notamment le financement des lieux de culte par les communes et qui risquait d'ouvrir une brèche très importante dans la loi de 1905. Mais durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy était
en retrait sur ces questions et nous pensions avoir gagné la partie. Ce discours prononcé avec fermeté lève le doute sur ses intentions. Rappelons aussi que, dans la réforme des institutions, le
président a proposé que les grands courants spirituels soient représentés au sein du Conseil économique et social ! C'est de l'idéologie, un vrai projet politique qui inscrit le libéralisme et la
religion au coeur de la société, comme étant indispensables aux bonnes moeurs. Nous en avons déjà perçu les conséquences dans les banlieues où les pouvoirs publics font appel aux imams pour
apaiser les tensions. C'est une défaite de la République. La seule identité qui doit intéresser le politique, c'est la citoyenneté. En s'adressant non plus aux citoyens, mais aux catholiques, aux
juifs, aux protestants, et en privilégiant certains, on change complètement la nature du régime républicain.
N. O. - Y voyez-vous un glissement vers une laïcité à l'américaine
?
J.-M. Quillardet. - Sans doute, on retrouve l'idée tocquevillienne selon laquelle la démocratie ne peut pas se passer
de la religion - et pour Tocqueville, il s'agit déjà de la religion chrétienne. Mais la laïcité à l'américaine, c'est Bush qui prononce sans arrêt des discours au nom de Dieu, c'est un président
qui prête serment sur la Bible. Va-t-on revenir à cela ? On court le danger de diviser un peu plus la nation. On va nous dire qu'on ne touchera pas à la loi de 1905, mais notre crainte, c'est
qu'on en transforme complètement l'esprit par des mesures techniques réglementaires, en ouvrant la possibilité de faire passer les religions d'un statut cultuel à un statut culturel, par exemple.
On est en train de détruire une certaine idée de la République. Les Français restent très attachés à la laïcité et le président commettrait une grave erreur en voulant y porter atteinte.
Marie Lemonnier
Le Nouvel Observateur
- A lire sur ce bloc-notes :
° Sarkozy et la "laïcité positive".
° Laïcité : Le Grand Orient de France communique.
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