C'est du moins ce que semble penser Martine Orange, rédactrice en Chef adjoint de Challenges, dans un article intitulé "Loges maçonniques et opacité", publié le 15 juin dernier.
Voici cet article :
LA formule est des plus sibyllines, incompréhensible même.
"Combien d’irrégularités la conduite de Grenoble, dont le président de Vinci a été victime, comporte-t-elle ?", demandait l’avocat d’Antoine Zacharias dans une lettre adressée aux administrateurs de Vinci. Pour les non-initiés, la question fait référence à une cérémonie en usage dans les loges maçonniques, au cours de laquelle un membre coupable de vol ou d’escroquerie est exclu. Mais pourquoi avoir recours au langage codé de la franc-maçonnerie ? A quel jeu d’influence, à quelle solidarité veut-on ramener les destinataires ?
On pressentait déjà, depuis le début de l’affaire Vinci et du renvoi d’Antoine Zacharias, que tout n’avait peut-être pas été dit. Certes, les rémunérations astronomiques de l’ancien P-DG, ses pratiques isolées du pouvoir justifiaient sanctions. Mais tout ceci avait été supporté pendant bien longtemps, sans personne n’y trouve à redire.
Pourquoi ? Derrière cette brusque prise de conscience donnée en guise d’explication officielle, n’y avait-il pas quelques intentions, quelques motifs inavoués, dont on comprendrait plus tard les tenants et aboutissants ? La lettre d’Antoine Zacharias ne peut que renforcer cette impression. A quelles pratiques obscures fait-on référence ?
A priori, l’interrogation ne devrait même pas exister. Tout oppose le monde des loges, secret, obscur, à celui des affaires, censé -comme on ne cesse de nous le répéter- être celui de la transparence, du respect des règles de gouvernance. Pourtant, on ne peut que constater que le premier déborde de plus en plus sur le second. Depuis des mois, sans cette clé, certains dossiers semblent être hors de toute compréhension. Des disputes apparaissent, des règlements de compte se produisent, des mariages sont réalisés qui semblent s’inscrire dans un ordre autre que celui de la stricte rationalité économique et financière.
La querelle entre la Caisse des dépôts et les Caisses d’épargne, par exemple, aurait-elle pris autant d’ampleur, sans cette dimension là? Aujourd’hui, Vinci paraît être dans le même contexte de lutte d’influence entre loges ou obédiences, avant peut-être d’aboutir à une prise de contrôle par Veolia. Où tout cela s’est-il décidé? Dans des conseils ou dans des loges? La franc-maçonnerie déteste qu’on l’associe à affairisme. Pourtant, elle donne parfois le sentiment de ne pas y être totalement imperméable.
par Martine Orange rédactrice en chef adjoint de Challenges, jeudi 15 juin.
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