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Il faut absolument lire ce numéro passionnant de "Science Avenir" de janvier 2024 consacré notamment à "l'évangile oublié" qui peut bouleverser (ou du moins fortement interroger) la vision que l'on se fait des évangiles canoniques et de certains évangiles dits "apocryphes".
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Voici l'objet de l'étude.
Ce papyrus ne mesure qu'une dizaine de centimètres de haut sur à peine quelques centimètres de large. Depuis sa découverte en 1897 par des archéologues britanniques sur le site d'Oxyrhynque, à 180 kilomètres du Caire (Égypte), parmi des centaines de milliers de papyrus enfouis ce petit fragment qui porte la cote 87.5575 attendait d'être étudié dans les réserves de l'université d'Oxford (Royaume-Uni). Voilà chose faite.
Il s'agit d'un extrait du Sermon sur la montagne, qui dans l'Évangile de Matthieu est détaillé au chapitre 6, tandis que dans celui de Luc, il se place au chapitre 12.
Or, une parole correspond à la sentence 27 (ou 32 selon les versions) de l'Évangile de Thomas, un évangile dit apocryphe, soit un récit de la vie du Christ qui n'a pas été retenu pour faire partie des livres de la Bible des chrétiens.
Comme le souligne l'archéologue protestant Michael Langlois, « il s'agit de la première occurrence connue d'un entrelacement d'éléments similaires à ceux de Luc et de Matthieu et d'éléments semblables à ceux de l'Évangile de Thomas, qui ne sont par ailleurs connus que de ce dernier. En cela, le 5575 est unique parmi tous les papyrus connus. »
Il s'agirait - de plus - d'un des plus anciens textes des évangiles (avec le P52 qui est un extrait de l'évangile de Jean), écrit à la fin du 1er siècle ou au début du 2d.
Ce que signifie cette découverte est immense: elle pourrait être une preuve concrète que les évangiles apocryphes sont aussi anciens que les évangiles canoniques, et qu' il n'y a donc pas de raison archéologique de considérer les seconds comme plus crédibles que les premiers.« On dit souvent que les traditions apocryphes sont tardives et qu'elles sont des inventions largement postérieures à Jésus, affirme Michael Langlois. Avec ce fragment, on est en mesure de démontrer le contraire ... et,bien sûr, on est tenté d'extrapoler. »
La question se doit en effet d'être soulevée: pourquoi ne pourrait on pas accorder autant d'importance à l'évangile apocryphe selon Marie -non pas la Vierge, mais la disciple du Christ Marie-Madeleine -, dont on dispose de fragments datés du IIIème siècle et on estime la rédaction au IIème siècle, qu'à celle de Matthieu ou de Luc ?
Malgré les nombreux points d'interrogation qui planent encore au-dessus de lui, le fragment 5575 d'Oxyrhynque n'en reste pas moins une preuve archéologique rare de l'existence des écritures sacrées dès les premières décennies suivant la vie du Christ.
« Il faut surtout garder en tête que les croyants de l'époque ne mettaient pas d'étiquettes sur ces textes issus de traditions orales, conclut Michael Langlois. Il n 'yen avait pas de plus ou de moins crédible qu'un autre. Tous avaient leur place, leur raison d'être. »
Peut-être que les thèses soutenant le fait que les évangiles apocryphes ont été écrits bien plus tard que les évangiles "canoniques" (aux alentours du 4ème siècle) seront aujourd'hui mis à mal, si un extrait de l'évangile de Thomas (et qui ne se trouve que dans l'évangile de Thomas) se trouve mêlés à des extraits de l'évangile de Matthieu ou de Luc, sur un papyrus datant de 150 à 200 après JC. Donc loin du 4ème siècle...
L'évangile de Thomas est un recueil de sentences appelées logia, qui sont des paroles qui auraient été prononcées par Jésus et transcrites par « Didyme Jude Thomas », c'est-à-dire l'apôtre Thomas. Au nombre de 114, les logia sont ainsi le plus souvent précédés de la mention « Jésus a dit ».
Le codex contenant l'évangile de Thomas au complet (en copte) a été découvert a Nag hamadi en 1945 et date du 4ème siècle.
Un dossier passionnant à lire absolument et à conserver dans sa bibliothèque !
Jean-Laurent Turbet
Les explications de l’historien et archéologue Michael Langlois.
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