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Le Blog des Spiritualités

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Didier Halimi, le père d'Ilan parle au journal Le Monde

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 7 Mars 2006, 11:55am

Catégories : #Ilan Halimi

Voici l'article du journal Le Monde concernant l'interview de Didier Halimi, le père d'Ilan :

"Monsieur Halimi, ne répondez plus au téléphone"

Le jour où nous avons rencontré Didier Halimi dans son petit appartement de banlieue aux stores constamment baissés, sa solitude nous a paru d'autant plus palpable qu'au même moment, à l'autre bout de Paris, son ex-épouse, Ruth, recevait la visite de la ministre des affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, accompagnée d'une escouade de gardes du corps et de reporters. Discret, peu bavard et réservé, M. Halimi avait d'abord voulu nous orienter vers son ex-femme : "Voyez avec Ruth, c'est elle qui parle à la presse, moi je n'ai pas fait le deuil de mon fils, je veux me retrouver un peu seul."

Pendant plus de trois semaines, Didier Halimi a été étroitement associé par la police à l'enquête et aux négociations avec les ravisseurs de son fils. Si étroitement que ses deux autres enfants et son ex-épouse, qui ne manquent pas de fustiger la gestion par la police de cet enlèvement, le suspectent aujourd'hui de "défendre les flics". "Les policiers que j'ai côtoyés ont bossé comme des fous, estime-t-il. Ils mangeaient avec moi, dormaient ici, sur ce canapé, ne me quittaient pas d'une semelle."

Fumant cigarette sur cigarette, Didier Halimi déroule le fil de trois semaines de négociations au centre desquelles il s'est trouvé. Dès le dimanche 22 janvier, au lendemain de la disparition d'Ilan, un premier contact est établi avec les ravisseurs. D'abord par téléphone, puis par un courrier électronique contenant une photo d'Ilan menotté, une arme pointée sur sa tête, un journal du jour entre les mains. Le lendemain, une première demande de rançon est formulée. Elle s'élève à 450 000 euros. La somme ne cessera de varier jusqu'à la fin des échanges. "Lorsque je leur disais que je n'avais pas la somme qu'ils demandaient, ils me répondaient que je n'avais qu'à demander l'argent à la communauté'", se souvient-il. 

JUSQU'À QUARANTE COUPS DE TÉLÉPHONE PAR JOUR

Les ravisseurs appellent principalement le père, jusqu'à quarante fois par jour, mais aussi, occasionnellement, la petite amie d'Ilan et sa mère. Afin de ne pas se disperser, les policiers décident de centrer leur dispositif autour du père d'Ilan, qui, chaque matin, se rend au 36, quai des Orfèvres, où il répond à ces appels en présence des négociateurs et d'une psychologue (ou "profileuse") chargée d'analyser les échanges et de bâtir un "profil" de la bande. A l'autre bout du fil, une voix "calme et posée" – que les policiers identifieront comme celle de Youssouf Fofana – devient, au fil des jours, de plus en plus menaçante et injurieuse.

La stratégie de la police, telle qu'elle a été exposée par le patron de la crim', Noël Robin, à Didier Halimi, consiste à ce stade à convaincre les ravisseurs d'accepter une remise de rançon "physique" en échange d'Ilan. Leurs revendications d'un virement via Western Union en Côte d'Ivoire sont écartées, n'offrant aucune garantie pour récupérer l'otage et barrant la route à toute possibilité de capturer ses ravisseurs. Il fallait, explique-t-on alors au père d'Ilan, "rester en contact", "gagner du temps", tout en s'assurant que l'otage était toujours vivant.

Une deuxième puis une troisième photo d'Ilan sont envoyées par e-mails. Les négociations progressent, mais dès qu'un accord est trouvé sur une somme, le groupe semble se désister et multiplie les errements. Plusieurs rendez-vous sont annulés ; d'autres sont proposés, mais leur caractère fantaisiste jette le trouble : une rencontre est ainsi réclamée "dans une demi-heure au KFC de Châtelet", puis place Clichy et enfin à Bruxelles…

A ce stade, la police gagne du temps et espère mettre la main sur un des membres du gang de ravisseurs grâce auquel elle pourrait alors remonter jusqu'à Ilan. Mais le groupe sème les enquêteurs. "Ils avaient beaucoup de mal à retracer les portables qui venaient soit de Côte d'Ivoire, soit passaient par des plates-formes étrangères, confirme Didier Halimi. C'est ainsi qu'ils ont mis en place un système de traçage des e-mails et renforcé leur surveillance des cybercafés de la capitale."

Cette surveillance porte ses fruits : grâce à une caméra présente dans un cybercafé, les policiers obtiennent une photo de Fofana, le visage caché derrière une écharpe. Ils sont à deux doigts de l'arrêter : une première fois à la sortie d'un café Internet de la rue Jean-Pierre-Timbaud, une seconde fois à Belleville, à Paris.

Malgré cette "accumulation de malchances", comme les qualifie Didier Halimi, les policiers de la crim' continuent d'espérer et le maintiennent en confiance : "On y arrivera, on n'a jamais eu de mort dans ce genre d'affaires", assuraient-ils.

De son côté, Didier Halimi continue de répondre quotidiennement aux coups de téléphone des ravisseurs. Mais les échanges ont à présent considérablement "dégénéré" : "On m'insultait, on me traitait de tous les noms. Puis ils menaçaient de s'en prendre à Ilan, de lui couper un doigt. Ensuite de le tuer." On lui raccroche parfois au nez. Ou alors c'est lui qui, exaspéré, ne veut plus parler. Seul répit : les week-ends, singulièrement pendant les matches de la Coupe d'Afrique des nations de football, les appels cessent, comme l'ont noté les enquêteurs.

A-t-il jugé, au vu du discours qui lui était tenu, que ses ravisseurs étaient antisémites ? "Je préfère que les gens jugent d'eux-mêmes", dit-il. Mais son sentiment personnel est que la judaïté d Ilan a certainement servi de déclencheur à la "barbarie" du groupe : "Ilan a été torturé, ils lui ont infligé des horreurs gratuitement. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient trop contents d'avoir entre les mains un petit juif'."

"NOUS DEVONS ASSUMER LES CHOIX"

Le 8 février, le père d'Ilan s'entretient à nouveau avec le responsable de la brigade criminelle, le commissaire Robin, qui lui annonce un changement de stratégie. "Désormais, il ne faudra plus répondre au téléphone", lui demande-t-il. Face à l'enlisement des négociations, les policiers espéraient-ils que le gang allait se déliter et Ilan, désormais considéré comme un fardeau, être libéré ? Ou, au contraire, que les ravisseurs allaient "sortir du bois" et proposer des modalités d'échange crédibles ? "Je n'ai pas contesté cette stratégie parce que j'étais tout simplement très fatigué de leur parler tous les jours au téléphone. Je dois également dire que les ravisseurs avaient proféré tellement de menaces sans jamais les mettre à exécution que j'étais plutôt confiant", raconte Didier Halimi.

Les appels demeurent fréquents "les premiers jours, puis de moins en moins à l'approche du week-end". Pour le père d'Ilan, ces quelques jours de "répit" sont presque un soulagement : il sort, ouvre de nouveau sa boutique, voit un ami… Jusqu'au lundi 13 février au soir, où il est saisi d'angoisse face à ce silence radio. Il téléphone à la brigade criminelle pour faire part de ses inquiétudes, demande à parler à Noël Robin, qui lui répond : "Rien de nouveau." La rupture de contact n'ayant pas donné de résultats, M. Robin lui enjoint alors de "reprendre le dialogue avec les ravisseurs".

Hélas, à cette heure-ci, il ne peut plus être question de dialogue, parce qu'Ilan est déjà mort depuis plus de douze heures. Selon les recoupements que nous avons effectués, son corps, retrouvé agonisant tôt le matin près de Sainte-Geneviève-des-Bois, a été autopsié le lundi 13 février entre 14 heures et 16 h 30 au centre médico-judiciaire du Centre hospitalier sud-francilien d'Evry(Essonne), par l'équipe du docteur Philippe Werson, en présence de policiers de la brigade criminelle. Outre les observations médicales, leur rapport note la présence de bandeaux de scotch sur le menton et le front, et d'une paire de "menottes américaines" que les pompiers ont brisées lors de la découverte d'Ilan. Restaient à effectuer les analyses ADN, dont le résultat ne sera connu que le lendemain matin, mardi 14 février, date à laquelle la police annonce la découverte "quasi certaine" du corps d'Ilan à sa famille. Le père, convié dans le bureau du commissaire Robin, identifie alors son corps sur des clichés que lui présente le patron de la crim'.

"Je pense que nous devons assumer les choix, y compris ceux que j'ai faits moi-même en toute connaissance de cause dans cette affaire, dit aujourd'hui Didier Halimi. On aurait fait l'inverse, on nous aurait également critiqués si Ilan était mort. Il s'en serait sorti vivant, on nous aurait félicités. Existe-t-il une bonne stratégie quand on a affaire à un groupe aussi inconstant ? C'est toujours facile, a posteriori, de critiquer. Mais il n'y a pas de bouton replay dans ce genre d'affaire."

"Si c'est la faute de quelqu'un, c'est celle de ceux qui ont kidnappé et torturé mon fils", tranche-t-il, en évoquant encore une fois ce "monstre" qui n'a pas hésité à l'appeler deux jours après la mort de son fils en lui lançant : "Alors, t'es content maintenant ? La prochaine fois, ce sera ton tour." "En serait-il capable ?", se demande le père d'Ilan en refermant à double tour son appartement et en vérifiant que tous les volets sont bien fermés. Lorsqu'il allume son poste de télévision, il voit enfin son visage, qui semble le narguer.

 Alexandre Lévy

Source :  Le Monde



Dans un entretien publié le 20 février sous le titre "Si seulement nous avions décroché le téléphone" par le quotidien israélien Haaretz, la mère d Ilan Halimi accuse les policiers de lui avoir ordonné de cesser tout contact par téléphone avec les ravisseurs à quelques jours du dénouement tragique, une grave "erreur", selon elle. "La police n'a pas été compétente", ont renchéri les deux sœurs d'Ilan, Yael et Anne-Laure, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Actualité juive du 23 février.

Ces accusations ont été reprises par Elisabeth Schemla, la directrice du site proche-orient.info, très lu par la communauté : "Toutes les polices, dans une affaire d'enlèvement avec demande de rançon, (…) essayent au contraire de garder à tout prix un lien avec les kidnappeurs. Or, dans ce cas précis, le calcul policier – ou le pari insensé – n'a-t-il pas été également d'obliger ainsi les ravisseurs à 'sortir du bois' ? A commettre le faux pas ? Toute la question est alors de savoir si cette décision stratégique n'a pas mis littéralement en rage ces criminels, voyant que leur affaire échouait."

Après avoir nié, dans un premier temps, avoir demandé à la famille d'arrêter les contacts, la direction de la PJ renvoie aujourd'hui au parquet, où l'on assume une telle stratégie. "Il ne s'agissait pas de rupture, mais d'une suspension temporaire des ponts. Une décision prise en accord avec le père", confirme Laurence Abgrall-Baugé, l'un des porte-parole du procureur de la République de Paris. Selon elle, le corps d'Ilan n'avait toujours pas été formellement identifié lundi 13 février au soir. – A. L.

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