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Le Blog des Spiritualités

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Mai 68 et la Grande Loge de France : Le Franc-Maçon de l'an 2000 et l'état de chimpanzé.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 4 Janvier 2019, 12:15pm

Catégories : #Franc-Maçonnerie, #GLDF, #Mai68, #Convent, #Dupuy, #RichardDupuy, #Histoire, #1968

Mai 68 et la Grande Loge de France : Le Franc-Maçon de l'an 2000 et l'état de chimpanzé.

Le son des pavés de Mai 68 résonne encore dans la tête des députés de la Grande Loge de France lorsqu'ils se retrouvent pour leur assemblée générale annuelle (appelé Convent) ce jeudi 12 septembre 1968 au matin.

(Rappel pour les frères d'aujourd'hui : le Grand Maître s'appelait Sérénissime Grand-Maître, le Convent avait lieu mi-septembre, les tenues ne reprenaient que début octobre,  et les travaux du Convent comme de la TGL se faisaient au 1er degré du Rite).

Le président du Convent de 1968 est l'éditeur Jean Vitiano (président du Congrès de la Région parisienne).

En 1968, la Grande Loge de France compte 8161 frères (dont 4194 à Paris et en Région parisienne), répartis dans 215 loges (111 à Paris, 10 en Outre-mer, 94 en Province). La Grande Loge de France est donc encore à l'époque une obédience majoritairement composée de frères venant de région parisienne. La plus petite région est la région Est avec 7 loges et 176 frères.

Richard Dupuy sera élu Sérénissime Grand-Maître pour sa troisième et dernière année par acclamations.

La capitation sera augmentée de 20 francs !

La nouvelle version du rituel du troisième degré vient d'être envoyée aux loges. "Elle est très supérieure à la précédente (de 5960), soit du point de vue du texte lui-même, très complet et d’une haute valeur initiatique, que dans sa présentation typographique. Nous n’hésitons pas à affirmer que notre Respectable Obédience possède un Rituel supérieur à tout ce qui a été établi jusqu’ici dans le monde maçonnique tout entier et nous avons appris avec satisfaction que certaines Obédiences Etrangères le prennent comme modèle", note le président de la commission des rituels, le frère Ubaldo TRIACA dont on a oublié aujourd'hui l'immense travail accompli.

Il est décidé que dès 1969, la tenue de Grande Loge aura lieu au 3ème degré avec un rituel adapté permettant d'ouvrir et de fermer rapidement du 1er au 3ème degré et du 3ème au 1er).

A cette époque les Conférences du cycle "Condorcet-Brossolette" ne se tenaient pas rue Puteaux mais dans l'amphithéâtre de la faculté de lettres de la Sorbonne. En conséquences la conférence prévue le 15 mai 1968, « Gambetta de 1873 à 1882 » par Gaston Maurice et celle du 12 juin 1968,  « La Question d’Orient et le Congrès de Berlin », par Alexis Zousmann, n’ont pas eu lieu à cause des événements du mois de mai et juin, la Sorbonne étant occupée.

Ceci pour donner quelques éléments de contexte.

Richard Dupuy, Sérénissime GM de la Grande Loge de France en 1968
Richard Dupuy, Sérénissime GM de la GLDF en 1968

A 9 heures 45, les travaux sont ouverts au premier grade du Rite Écossais Ancien et Accepté en  Tenue de Grande Loge par le Sérénissime Grand-Maître, Richard Dupuy. dans le Grand Temple de la rue Puteaux.

Voici quelques extraits de son discours : le cœur et la conclusion. Je vous laisse juge de leur pertinence actuelle ! (Les passages en gras, comme les illustrations du texte sont de moi) : 

 

 

Le domaine de la Franc-Maçonnerie, c’est le domaine de l’Homme, de l’Homme considéré dans son entier, c’est-à-dire en esprit et en chair. Dès lors que notre Constitution nous invite, — et nous y avons, les uns et les autres, adhéré en prêtant notre serment initiatique, — à travailler à l’amélioration constante des conditions de vie spirituelles, intellectuelles et matérielles de l’hommes, nous savons que nous devons agir, non point en purs esprits, non point en bêtes, mais en hommes accomplis, la tête au ciel et les pieds sur la terre.

Il existe dans notre propre sein quelques Frères qui considèrent que nous devrions prendre une part plus active aux événements contingents et adopter un parti plus net face aux problèmes politiques très sérieux qui sont posés en France ou à travers le monde, dans tel ou dans tel Etat souverain. En Grande Loge de France, nous nous en sommes toujours abstenus.

A l’inverse de cette tendance ultra-pragmatique, nous voyons, toujours dans notre sein, une tendance ultraspiritualiste qui voudrait que nous ne travaillions dans nos Loges que sur des problèmes à caractère intemporel, les yeux et les oreilles fermés aux bruits du monde extérieur. Qu’il me soit permis de rappeler à ceux-là que si la Loge est protégée par des murs infranchissables, que si elle n’est ouverte que par son toit béant sur le cosmos, elle se trouve néanmoins éclairée par trois fenêtres dont l’une s’ouvre à l’orient, la seconde au midi, la troisième à l’occident. Cela veut dire que si nous entrons dans le Temple pour nous y recueillir et pour y préparer l’action que nous allons mener dans le monde profane, nous ne devons pas oublier que nous appartenons, en tant que Francs-Maçons et en tant qu’initiés, au monde créé, que nous dédions notre travail à ce monde créé, que nous devons lui consacrer nos forces et nos efforts et que nous recevons également de lui la vie et l’impulsion nécessaires sans quoi nous n’existerions pas.

Si nous n’admettions chez nous que des esprits contemplatifs, nos temples seraient peuplés de fantômes, or ils sont peuplés d’hommes d’esprit et de chair qui entendent vivre dans le monde et se préparer dans le sein de la Loge a accomplir leur devoir dans leur famille, l’humanité.

Ceci étant, avons-nous le droit, à l’orée de ce Convent de l’an de la vraie lumière 5968, de passer sous silence quelques-uns des événements dramatiques qui ont appelé nos concitoyens à réfléchir sur leur condition et à remettre en question un certain nombre de principes de la morale traditionnelle qui, de Charlemagne à Napoléon, a donné aux hommes l’illusion de la pérennité et de la stabilité, alors que NOUS savons que la pérennité et la stabilité ne se trouvent que dans le travail, dans la recherche et dans le mouvement.

Nos enfants, en mai et en juin derniers, ont déserté nos foyers, ils ont déserté les bancs de l’université et de l’école, ils ont construit des barricades dans les rues et ils sont montés sur ces barricades pour clamer à la fois leur refus et leur dégoût de certaines formes de sociétés dans lesquelles ils se sentaient étrangers et orphelins, pour proclamer leur volonté de revenir au respect d’un certain nombre de valeurs morales profondément attachées au cœur de tous les hommes.., et puis ils sont restés là, les bras ballants, les pieds plantés sur les pavés qu’ils avaient descellés, ne sachant plus quoi faire de ce mouvement de révolte qu’ils avaient déclenché, ne sachant très exactement par quoi il convenait de remplacer la société de

consommation qu’ils venaient de dénoncer.

Ils ont, en tout cas, lancé un mot, une formule, qui a fait fortune, non seulement ait Quartier Latin, non seulement à Paris, non seulement en France, non seulement en Europe, mais à travers le monde et dont les échos profonds ne sont pas près de s’éteindre parce que ce mot résume la condamnation des attitudes figées d’hier et la marche vers l’avenir. Ce vocable, c’est « LA CONTESTATION ».

Ils contestent ! Ils contestent l’efficacité de certaines méthodes, ils contestent la validité de certains tabous, ils contestent l’inévitabilité de certaines résignations. Ils croient avoir ainsi inventé quelque chose de nouveau la contestation.

Nous, Francs-Maçons, députes au Convent souverain de la Grande Loge de France, nous qui détenons entre nos mains pendant les trois jours de ces assises la souveraineté et la responsabilité de l’ordre qui nous a mandatés, nous savons, de science assurée, que la contestation, c’est nous !

La méthode maçonnique, c’est la remise en cause perpétuelle de ce qui est acquis. L’ascèse du franc-maçon, c’est l’obligation, chaque matin, au réveil, de faire le bilan de ce qui s’est passé la veille et de remettre en question les certitudes laborieusement élaborées avant que d’avoir placé la tête sur l’oreiller du sommeil.

La contestation, la remise en question, c’est l’angoisse permanente qui étreint chacun de nos cœurs de francs-maçons, c’est la certitude que nous avons, au plus profond de nous-mêmes, de par notre initiation traditionnelle, que nous sommes incapables d’énoncer, une fois pour toutes, une vérité éternelle, une vérité absolue, mais que nous sommes capables de découvrir la vérité à la condition que nous ayons la volonté de la rechercher perpétuellement et de remettre en question les certitudes dans lesquelles nous étions assis la veille.

Alors, pourquoi nos enfants se sont-ils imaginés qu’ils étaient en rupture avec les hommes de notre génération, dès lors qu’ils avaient lancé à la face du monde, comme une espèce de défi, cette notion de contestation qui remonte aux sources vivantes de notre Ordre ?

Parce que, notre méthode étant initiatique, est, par définition, secrète, parce que l’ascèse qui s’effectue dans le temple s’effectue, par définition, portes fermées, parce que les quelques Maîtres que nous avons formés dans nos Loges n’ont pas les poumons assez forts ni la voix assez puissante pour faire entendre l’écho de nos travaux à travers le grondement de la marée montante des générations qui nous suivent.

Alors, voilà notre problème de l’année! Le voici, notre problème de demain comment allons-nous faire pénétrer le ferment initiatique dans ces générations de jeunes qui, inconsciemment, l’appellent de tous leurs vœux ?

Comment allons-nous ouvrir les portes de nos temples à ceux qui sont déjà des Francs-Maçons sans tablier?

Ils nous effraient un peu par la forme qu’ils ont donné à leur révolte. Alors si, nous, les Francs-Maçons, nous avons peur de la passion, si nous avons peur de la foi trop ardente, c’est que, vraiment, nous avons trop mangé, nous n’avons pas pris assez d’exercice et nous avons ainsi trop engraissé.

Il faudra que nous suivions un régime pour nous débarrasser de nos graisses superflues et pour revenir aux principes qui sont les os, les nerfs et les muscles de la Franc-Maçonnerie et qui ont fait d’elle ce qu’elle a été de tout temps un phare et un flambeau, une méthode de réflexion et un moyen d’action.

C’est dans cette perspective que, depuis une douzaine d’années, votre Grande Loge travaille, non point sur le passé, non point sur le présent, mais délibérément sur l’avenir.

Nous avons essuyé, bien entendu, les sarcasmes amicaux et fraternels, car les sarcasmes sont toujours amicaux et fraternels dans nos assemblées, d’un certain nombre de nos frères qui estimaient que nous ferions mieux de nous préoccuper des problèmes du présent plutôt que de nous occuper de ceux de l’avenir. Qu’il me soit permis de leur répondre très simplement que nous ne sommes plus à l’époque des calèches et des diligences, que nous roulons dans nos voitures à des vitesses de croisière qui s’insèrent dans une fourchette de 140 à 200 km à l’heure, que les avions que nous prenons communément, que vous avez pris pour venir de Marseille, de Nice ou de Toulouse, volent à une vitesse avoisinant celle du son, et qu’à ces vitesses de déplacement, lorsqu’on se borne à regarder devant ses pieds, on laisse la route derrière soi.

Lorsque vous êtes au volant de votre voiture, vous ne regardez plus devant vos roues mais vous regardez à l’horizon aussi loin que votre regard peut porter. Quant au pilote d’avion à réaction, il ne pilote plus à la vue mais il pilote avec un radar qui lui indique ce qui se passe à des centaines de kilomètres devant son appareil, faute de quoi il pilote dans le passé.

Si nous pilotons dans le passé, nous sommes les prophètes du passé, si nous pilotons pour l’avenir et si nous nous astreignons à des travaux de prospective, alors nous pilotons pour l’avenir, c’est-à-dire pour le présent, car l’avenir vient vite, il est déjà ici.

C’est la raison pour laquelle cette année, comme les années précédentes, vous allez traiter du futur, c’est la raison pour laquelle votre Conseil Fédéral, faisant preuve de sa hardiesse habituelle, n’a pas hésité à chapeauter l’ensemble de ces questions du titre générique « Le Franc-Maçon de l’an 2000 ».

Pierre-Marie Adam, Grand-Maître de la GLDF

Oui, nous voulons que dans ce Convent souverain, le Franc-Maçon de l’an 2000 seul ait la parole, parce que ce Franc-Maçon de l’an 2000, il sera, a condition que nous sachions le prévoir et le former, l’incarnation du Franc-Maçon de 1968 et le continuateur du Franc-Maçon du 15ème siècle, parce que notre méthode, dans l’avenir, continuera à faire les mêmes preuves et à offrir les mêmes vertus que celles qu’elle a offertes dans le passé, parce que cette méthode n’a pas à être révisée mais qu’elle a besoin d’être simplement appliquée et non point enterrée sous la somnolence de la paresse.

La prise de conscience à laquelle nous ont obligés nos enfants ne doit pas nous entraîner à réformer nos cadres et nos structures parce que nos cadres et nos structures sont agents de liberté dans le respect de la loi et qu’ils sont agents de progrès dans le respect de la tradition.

C’est précisément cet équilibre qui sera préservé par le Franc-Maçon de l’an 2000 à la condition que le Franc-Maçon de 1968 sache faire aujourd’hui tout simplement son devoir d’initié et de membre de la Grande Loge de France, en préparant sa naissance dans le creuset de la Fraternité, en lui montrant clairement, dans le contexte du monde futur, ses objectifs, ses voies et ses moyens".

(...)

"Notre faible voix, direz-vous?

Oui, notre faible voix, parce qu’il n’est pas de voix plus puissante qui soit capable, aujourd’hui, d’assumer cette tâche. C’est notre faible voix clamant dans le désert qui rappellera aux hommes de 1968 que s’ils veulent que leurs enfants de l’an 2000 vivent, toujours et à jamais investis de la qualité sublime d’homme, il faudra bien que nous nous décidions à lancer ce rappel à l’ordre et à faire en sorte que les principes traditionnels, qui peuvent paraître à certains éculés, de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, dont nous sommes les artisans, les promoteurs et les défenseurs, ne peuvent être abrogés, à moins que l’on ne veuille taire litière de la haute dignité d’homme et faire des êtres qui nous entourent et de ceux qui nous suivront, des machines parfaitement rodées et parfaitement huilées, adaptées au monde mécanique qui ne sera plus créé pour les servir mais pour les asservir; à moins que l’on ne veuille faire de ceux qui nous suivront, non point ce que nous sommes, de faibles hommes, certes, de faibles hommes tributaires de leur condition humaine, mais s’efforçant de sublimer, à la lumière des principes éternels de liberté et d’amour, les fonctions naturelles et les servitudes de leur corps, à moins que nous n’acceptions de nous résigner à ce que cette sublimation qui inspire et anoblit chacune de nos respirations, chacun de nos mouvements, chacune de nos démarches, fasse désormais place à une parfaite mécanisation du corps et de la pensée .

Alors que le Grand Architecte de l’Univers fasse que, lorsque nous serons passés à l’Orient éternel, nous ne puissions plus voir ce qui se passera sur cette terre car nos successeurs, parfaitement adaptés, parfaitement décontractés, parfaitement énervés, parfaitement délivrés de l’angoisse et de l’inquiétude, parfaitement conditionnés, en un mot parfaitement déshumanisés, seront revenus à l’état du chimpanzé.

J’ai dit, mes Frères.

Richard Dupuy "

 

Serions-nous donc, nous francs-maçons de 2019, revenus à l'état chimpanzés ? La question mérite d'être posée, non ?

Jean-Laurent Turbet

 

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V
La Vérité toujours actuelle...<br /> Merci mon F:. les grands hommes ne sont jamais oubliés
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