L’article que j’ai écrit sur Madeleine Pelletier le 8 mars dernier à l’occasion de la journée de la femme a suscité, sur Facebook ou par mails privés, de nombreuses questions (voir en bas de page toutes les références des articles cités).
Je vais tenter d’éclaircir rapidement quelques points et de répondre le plus brièvement possible à quelques-unes des questions qui m’ont été posées.
Je réitère ici un propos que j’ai maintes fois tenus sur ce bloc-notes et qui, je le sais, ne fait pas plaisir à tout le monde et pourtant….
La Franc-Maçonnerie mixte tout comme la Franc-Maçonnerie féminine moderne ne doivent rien ni au Grand Orient de France ni au Rite Français, mais tout à la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) et tout au Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA).
En 1880, 12 loges se séparent de la Grande Loge Centrale du Suprême Conseil de France (SCF) pour former la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) qui pratique le Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA) sans les Hauts Grades et qui se déclare indépendante du SCF.
C’est la 1ère loge créée par la GLSE, « Les Libres-Penseurs » à l'Orient du Pecq qui, sortant quelques jours de l’obédience, initie la première femme, Maria Deraismes. Celle-ci crée, quelques années plus tard en 1893, avec le docteur Georges Martin, la première obédience maçonnique mixte, intitulée « Grande Loge Symbolique Ecossaise-Le Droit Humain », qui deviendra l’Ordre Mixte International le Droit Humain que nous connaissons bien.
Le SCF donne la liberté à ses loges symboliques en 1894 en créant la Grande Loge de France. La Grande Loge de France administre en toute indépendance et sans contrôle les trois premiers degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté et le Suprême Conseil de France – gardien et conservateur du rite – administre les degrés allant du 4ème au 33ème.
En 1896, la très grande majorité des loges de la GLSE fusionnent et intègrent la Grande Loge de France. La GLSE n’a en effet plus de raison d’être après la création de la Grande Loge de France.
Pourtant, 6 loges (dont la loge « Diderot ») déclarent qu’il existe toujours une Grande Loge Symbolique Ecossaise Maintenue, qui deviendra la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte et Maintenue en 1901 lorsqu’elle initiera à son tour des femmes.
C’est au sein d’une loge de la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte et Maintenue, la loge « La Philosophie sociale », que Madeleine Pelletier (le 27 mai 1904) puis Louise Michel (le 13 septembre 1904) ont été initiées franc-maçonnes.
Madeleine Pelletier fréquentait aussi assidument une autre loge de la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte et Maintenue, la loge « Diderot ». C’est devant la Loge « Diderot » que Louise Michel fait une conférence le 14 septembre 1904 au lendemain de son initiation.
En 1905, Madeleine Pelletier, après en avoir été oratrice, devient Vénérable Maître de la Loge Diderot. Une telle promotion peut sembler étrange aujourd’hui (et surtout carrément impossible !) mais à l’époque, surtout dans une petite obédience (6 loges seulement), la promotion était rapide, à la mode anglo-saxonne où l’on devient compagnon un mois après avoir été initié et maître un mois après avoir été élevé au grade de compagnon.
L’activisme de Madeleine Pelletier avait fait le reste et elle était donc Vénérable Maître d’une loge à peine plus d’un an après avoir été initiée.
La Loge Diderot, dernière loge de la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte et Maintenue depuis 1909 décidera de la fin de cette obédience en 1911. Elle deviendra une loge « sauvage » ou « indépendante », c’est-à-dire indépendante de toute obédience, entre 1911 et 1914.
C’est très logiquement et tout naturellement qu’elle sera intégrée au sein de la Grande Loge de France en avril 1914. Elle prendra le numéro 464. La Loge Diderot existe toujours aujourd’hui à la Grande Loge de France. Elle fêtera le centenaire de son intégration l’année prochaine et elle se réunit les deuxièmes et quatrièmes vendredis de chaque mois en l’hôtel de la Grande Loge de France à Paris.
Pour les sœurs des loges mixtes de la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte et Maintenue les frères qui rejoignent la Grande Loge de France créent, dès 1901, les premières loges d’adoption, c’est-à-dire les premières loges féminines, souchées sur les loges masculines de la Grande Loge de France.
En 1945 ce sont seulement cinq loges d’adoption, les loges « Le Libre Examen » avec 20 membres, « La Nouvelle Jérusalem » avec 33 membres, « Le Général Peigné » avec 16 membres, « Minerve » avec 16 membres et « Thébah » avec 6 membres qui fondent l’ Union Maçonnique Féminine avec ... à peine 90 membres. C'est cette Union qui deviendra la Grande Loge Féminine de France le 22 septembre 1952. Plus de 75% des loges de la GLFF travaillent au rite écossais ancien et accepté. La Grande Loge Féminine de France a aujourd’hui plus de 14 000 sœurs réparties dans plus de 400 loges et elle comprend également 35 loges hors hexagone.
On le voit donc bien, trois obédiences maçonniques françaises actuelles, le Droit Humain (créé en 1893), la Grande Loge de France (créée en 1894), et la Grande Loge Féminine de France (née en 1945 puis 1952), ont donc deux « parents » en communs, la Grande Loge Symbolique Ecossaise (créée en 1880) et le Suprême Conseil de France (créé en 1804, reconstruit en 1821 et dont la Grande Loge Centrale est l’héritière directe de la Grande Loge de France de 1728 et 1736). Toutes les trois ont également un rite commun : le rite écossais ancien et accepté qui est, soit très majoritairement, soit exclusivement, pratiqué dans ces trois obédiences.
La loge « La Jérusalem Ecossaise » a d’ailleurs réunit le 8 décembre 2012 les 3 Grands maîtres et Grande Maîtresse de la GLDF, de la GLFF et du DH pour célébrer ces origines communes. Georges Martin, le créateur du DH est toujours resté membre de sa loge « La Jérusalem Ecossaise » qu’elle soit à la GLSE puis à la GLDF tout en étant membre (fondateur) du DH.
Il est également amusant de noter qu’une loge actuelle de la Grande Loge de France, la Loge « Diderot », intégrée en 1914 au sein de la GLDF a eu, en 1905 alors qu’elle était sous l’obédience de la GLSE mixte et maintenue, une Vénérable Maître en la personne de Madeleine Pelletier… Il faudra attendre le 9 septembre 2010 pour voir une autre femme, Olivia Chaumont, prendre le premier maillet de sa loge « L’université Maçonnique » au sein du Grand Orient de France.
L’Histoire a parfois des détours très singuliers… Pourtant, c’est notre histoire commune…
Jean-Laurent Turbet
° Pour aller plus loin :
° La Grande Loge de France et le politique , sur ce site.
° Madeleine Pelletier, une combattante. Franc-maçonne, féministe, socialiste et… libre! , sur ce site.
° Louise Michel franc-maçonne, sur ce site.
° La Grande Loge de France célèbre Jean Jaurès, sur ce site
° La Grande Loge Symbolique Ecossaise, ou les avant-gardes maçonniques (1880-1911), de Françoise Jupeau Réquillard, sur ce site..
° La « Jérusalem Ecossaise » va réunir la famille du REAA le samedi 8 décembre 2012, sur ce site.
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Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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