Sous le titre "Guerre ouverte chez les francs-maçons",
l'hebdomadaire l'Express de cette semaine rend compte en fait de la crise sans précédent qui secoue la Grande Loge Nationale Française depuis le mois de
décembre dernier.
En ligne de mire son Grand-Maître François Stifani et ses méthodes pour le moins particulières.
Déjà l'hebdomadaire Le Point, au début du mois de janvier, avait fait état de la situation à la GLNF.
J'avais également été interviewé par ITélé à propos de la floraison des blogs maçonniques créés par les contestataires à la GLNF.
Aujourd'hui c'est à la Une de l'Express que le problème est posé et toujours avec ce titre générique "Guerre ouverte chez les Francs-Maçons". Non, pas guerre ouverte "chez les
francs-maçons", mais contestation de francs-maçons de la Grande Loge Nationale Française contre leur Grand-Maître. Nuance importante, car tous les autres francs-maçons et toutes les
francs-maçonnes ne sont pas concernés par ce problème mais se verront pourtant encore atteint par cette nouvelle affaire qui concerne exclusivement que la GLNF.
Cette confusion est encore plus dommageable pour la Grande Loge de France que l'on confond souvent avec la Grande Loge Nationale Française. A tel point qu'en
1995, le Grand-Maître de la Grande Loge de France, Michel Barat avait été obligé de payer une pleine page de publicité dans Le Monde pour que les deux
obédiences maçonniques ne soient plus confondues : Il faut dire qu'après l'affaire Schuller-Maréchal et les affaires touchant Nice et la Côte d'Azur (pour ne citer que celles-ci...) c'est la
respectabilité et l'honnêteté des francs-maçons de la Grande Loge de France qui était en jeu. Alain-Noël Dubart qui est l'actuel Grand-Maître de la GLDF serait bien inspiré de
réitérer cette opération salutaire de communication !
Le problème concernant le GLNF vient de loin. D'obédience marginale avant 1965 et peu importante jusqu'au milieu des années 1980, elle est aujourd'hui la seconde obédience maçonnique
française en termes d'effectif après le Grand Orient de France (GODF 49 000 membres, GLNF 43 000 membres, GLDF 30 000 membres).
La GLNF est passée de 13 000 membres en 1980 à 43 000 aujourd'hui. Comment presque quadrupler son nombre de membres en 30 ans? Par exemple, à titre de comparaison, sur la même période la
GLDF est passée de 17 000 à 30 000 membres.
La GLNF s'est lancée dans une vaste politique de recrutement tous azimuts... Certains disent (à tort?) qu'elle ne s'est pas montrée très scrupuleuse sur la qualité des postulants...
En tous cas, elle s'est toujours présentée comme un "contre GODF", une maçonnerie "de droite" qui s'adresse par son recrutement aux décideurs, cadres, dirigeants d'entreprises, hauts
fonctionnaires, notables. Et durant des années cela a marché.
D'ailleurs François Stifani n'est que le digne héritier d'un système créé et développé par Charbonniaud et Foellner, ses prédécesseurs à la Grande Maîtrise. Système qu'il porte à son point le
plus haut... Et c'est là que le bât blesse et que la révolte gronde.
Que le Grand-Maître nomme tous les responsables de l'obédience selon son bon plaisir passe encore. Qu'il les vire tout aussi facilement (il a déjà remercié 14 grands maîtres provinciaux sur 32)
provoque quelque remous. Surtout que les remplaçants n'ont souvent que quelques années seulement de maçonnerie (souvent moins de 5...) et que leur principale qualité initiatique est d'être
entièrement dévoué au Grand-Maître qui leur a assuré cette promotion inespérée et totalement impossible dans une autre obédience...
Mais la coupe a débordé le 4 décembre 2009 lorsque 24 frères de la GLNF demande des comptes... sur les comptes de l'obédience lors d'un Souverain Grand Comité de l'Obédience. Les 24
"questionneurs" sont immédiatement limogés. Ils ne sauront pas ce que deviennent les 17 millions d'euros, fruit des cotisations des membres de la GLNF.
Ces frères s'interrogeaient notamment sur l'achat par la GLNF d'un appartement de 260 mètres carrés avenue de Wagram à Paris (dont le prix avoisine les 2,5 millions d'euros !!) destiné à être,
selon François Stifani "un lieu de réunion mieux adapté et plus conforme au statut actuel de l'Obédience". Comme si, s'étonnent ces frères, le luxueux siège de l'Obédience rue Christine
de Pisan dans le 17ème arrondissement de Paris ne suffisait pas....
Il est vrai que le Grand-Maître de la GLNF se déplace également en Porsche Cayenne, entouré de gardes du corps... Attitude totalement atypique dans le paysage maçonnique français où aucun Grand
Maître ni aucune Grande Maîtresse d'une autre obédience n'exerce ses fonctions avec un tel luxe!
Il est vrai que Stifani a bien bordé les choses pour rester maître de la GLNF. Si les mandats des Grands Maîtres de toutes les obédiences françaises est de un an renouvelable 2 fois (soit 3 ans),
Stifani a fait adopter pour lui un mandat de 5 ans renouvelable!
Car François Stifani possède l'arme fatale de la GLNF : la régularité. La GLNF est la seule obédience française reconnue par la Grande Loge Unie d'Angleterre et les Grandes Loges
américaines (ainsi que les Grandes Loges africaines amies). Qui s'en va de la GLNF perd en même temps le "réseaux". Tant que la GLUA ne lâchera pas Stifani, il restera maître du jeu. Et
pour l'instant les Anglais gardent un silence prudent et.... complice....
C'est d'autant plus dommageable que des milliers de frères de la GLNF sont parfaitement respectables et sont des francs-maçons sincères. mais ne nous y trompons pas, le "systême"
Charbonniaud/Foellner/Stifani convient très bien à un très grand nombres de membres de la GLNF qui n'ont adhéré à l'association que pour le réseau. Ceux-là Stifani sait pouvoir compter sur
eux.
Je ne parle même pas du fait que la GLNF soit la "marraine" des Grandes Loges africaines toutes dirigées en fait par le potentat local. Par exemple c'est dans un avion présidentiel du
Gabon (donc aux frais des contribuables gabonais...) que les hiérarques de la GLNF sont allés à Libreville introniser Ali Bongo comme Grand-Maître de la Grande Loge du Gabon (où
il a succédé là encore à son père Omar) à l'automne 2009. La quasi-totalité des francs-maçons français ont honte de la politique africaine de la GLNF consistant à soutenir les
"frères-despotes" (Ali Bongo au Gabon mais aussi Denis Sassou Nguesso au Congo, Blaise Compaoré au Burkina Fasso ou
Faure Gnassingbé au Togo et biens d'autres...). Le chantier est immense pour contrecarrer l'image détestable que la GLNF donne de l'Ordre Maçonnique sur le continent
africain.
Le 25 mars prochain les délégués des Loges de la GLNF doivent aller à Paris à l'Aquaboulevard pour voter le bilan des comptes 2009-2010 et le budget prévisionnel 2010-2011. Les frères sincères de
la GLNF espèrent, lors de cette assemblée générale, pouvoir mettre le Grand Maître en difficulté. Que le Grand Architecte de l'Univers les entende!
Malheureusement je pense qu'il y a peu de chance qu'ils arrivent à leurs fins... Pourquoi...? Parce que François Stifani "tient" parfaitement bien l'appareil de la GLNF. Ses fidèles
sont aux commandes, ils devraient pourvoir éliminer rapidement les contestataires.
Il ne faut pas non plus que les frères se méprennent: François Stifani sait que de nombreux frères de la GLNF vont
quitter l'obédience. 1000? 2000? 3000? Peu lui importe, il se contentera de leur souhaiter bon vent. Lui gardera l'appareil de l'obédience et les 40 000 frères restants. Jusqu'à la nouvelle purge
dans quelques années qu'il compensera avec de nouvelles adhésions... La seule chose qui pourrait vraiment faire bouger massivement les frères serait que la Grande Loge Unie d'Angleterre retire la
régularité de la GLNF à cause de Stifani et des dérives de la GLNF. Le fera-t-elle? Rien n'est moins sûr...
Mais en tout cas, maintenant, les frères de la GLNF ne peuvent plus dire qu'ils ne savent pas.
Cerise sur le gâteau : François Stifani s'est autoproclamé "Guide Spirituel" des frères de la GLNF lors d'une émission de télévision. "Nous ne sommes pas une secte et n'avons pas
besoin de gourou" ont rétorqué les frères! Aucun autre Grand Maître n'utiliserait une telle terminologie pour parler de lui-même !
Roger Dachez, président de l'Institut maçonnique de France qualifie dans une récente interview la Grande Loge Nationale Française de "puissance financière, affairiste par
excellence" et son Grand Maître de "despote non éclairé".
Les francs-maçonnes et les francs-maçons des autres obédiences n'ont qu'une crainte, c'est qu'on puisse les mettre dans le même panier que les dirtigeants actuels de la GLNF. Quant à leurs goûts
culinaires, ils préfèrent le pot-au-feu et la tête de veau à la salade niçoise....
° Pour aller plus loin :
° Le
site de la Grande Loge Nationale Française.
° Le dossier de
l'Express.
° Dossier spécial "Les
Bastions francs-maçons" dans Le Point de cette semaine., sur ce site.
° François Stifani prochain grand maître de la Grande
Loge nationale française., sur ce site.
° La GLNF présente les collaborateurs du
Grand-Maître., sur ce site.
° "La droite et les francs-maçons" dans Valeurs Actuelles , sur ce site.
° Interview de Roger Dachez, président de l'Institut maçonnique de France sur la GLNF, intitulée "Une puissance financière
affairiste".
° Le Myosotis Ligérien (devenu Myosotis de France), site central des opposants à François Stiphani au sein de la GLNF.
° Le
site de Jean Solis, qui vient de quitter la GLNF.
° Une lettre de Jean Solis.
° "Les Maîtres des Affaires", article de François Koch paru dans l'Express en août 2005.
° "Francs-maçons: les frères (ennemis) de la Côte". Article de l'Express du 22 février 2001.
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