"Ces réseaux vont de plus en plus peser sur les enjeux de société"
Les ordres de grandeur sont très différents. Le protestantisme évangélique représente aux Etats-Unis un grand quart de la population et influence toute la vie religieuse, culturelle et, pour une part, politique. En France, il ne touche que 0,5 % de la population !
Les évangéliques français restent marqués par la culture de leur pays, notamment l'héritage protestant. Ils portent volontiers la croix huguenote, vont nombreux chaque année à l'Assemblée du désert, dans les Cévennes. D'où des décalages dans les pratiques : aux Etats-Unis, le culte ressemble à une sorte de "show", alors qu'en France, la majorité des assemblées évangéliques comptent encore des moments de prière spontanée et très silencieuse. Les évangéliques américains sont abstinents, antialcooliques, alors que les Français n'ont aucun problème avec un bon bordeaux ou un bon bourgogne !
Il y a toutefois des traits importés des Etats-Unis...
D'où vient le discours antipermissif ?
On le trouvait avant l'influence américaine. Le protestantisme a toujours compté des tendances ascétiques, plus fortes chez les évangéliques, sans que l'influence américaine ne soit en cause.
Mais il est vrai qu'on observe une instrumentalisation par les évangéliques français, comme aux Etats-Unis, du thème de l'avortement. Des groupes comme le Comité protestant pour la défense de la dignité humaine (CPDH) fonctionnent sur le modèle de la nouvelle droite chrétienne américaine. On matraque les mêmes thèmes : le droit absolu à la vie, le rejet de l'homosexualité, de l'avortement, de la recherche sur les cellules souches d'embryon. Ces thématiques ont été longtemps étrangères à la culture évangélique française, mais on les trouve mises en oeuvre aujourd'hui par des réseaux qui restent, cela dit, assez marginaux.
Pensez-vous que ce protestantisme évangélique puisse progresser en France ?
Oui, car le nombre de ces réseaux est en hausse et tendra à peser demain sur les enjeux de société. Ils ont des objectifs éthiques et familiaux précis et entendent déjà peser au plan international. Ils ont des alliances stratégiques avec des catholiques conservateurs et défendent la ligne intransigeante du magistère romain.
Mais l'influence américaine en France décline par rapport aux années 1980. A ce moment-là, on comptait 780 missionnaires américains. Il n'y en a plus que 633. Les Américains se redéploient en Europe, par exemple dans les anciennes démocraties populaires de l'Est.
Ce qui est incontestable, en revanche, c'est une montée des évangéliques venus des pays lointains et du Sud. A Paris par exemple, il y a plus d'églises évangéliques chinoises que d'églises réformées. Les églises africaines sont aussi très nombreuses et il ne faudrait pas oublier les communautés évangéliques laotiennes, vietnamiennes, coréennes, etc. L'Eglise évangélique coréenne, dite "de toutes les nations", implantée en France, envoie déjà des missionnaires francophones au Burkina Faso ! La tendance est donc plutôt à la montée de ces Eglises-là.
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