Notre ami Roger Dachez vient de nous sortir l’un de ses articles dont il a le secret (« C’est la rentrée »), qui – sous couvert d’un prétexte historique – est un nouvel article contre le processus initié par la Confédération maçonnique de France.
Loin d’apaiser les choses, notre ami Roger souffle sur les braises…
Un peu d’humour pour commencer. Roger Dachez prévient ses lecteurs en préambule : « Une fois encore, n’en déplaise à certaines puissances « impériales », je ne suis pas partie prenante dans ces conflits, mon « camp » n’est ni d’un côté, ni de l’autre. Non par prudence ou par pusillanimité, mais simplement par indifférence pour ces stratégies de conquête du « marché » qui se trouvent à des distances cosmiques de l’idée que je me fais de la franc-maçonnerie ».
Cette mise en garde ne trompe personne ! Elle me fait penser à ce trait d’esprit de Pierre Desproges : « Qu’on soit de droite ou de gauche, on est hémiplégique. Disait Raymond Aron. Qui était de droite ». Il en est de même pour Roger Dachez.
Roger Dachez continue de fait son rôle de Saint-George, de héraut de la lutte anti-confédération maçonnique de France, qu’il s’est attribué il y a bien des mois déjà.
Roger n’est pas un observateur neutre et attentif. Il est bien l’un des acteurs principaux de ce qui est en train de se passer.
Et ne nous y trompons pas, il agit de toutes ses forces (il faut reconnaître – je n’ai pas peur de le dire - que Roger Dachez est un penseur important et un historien dont l’avis compte et qu’à titre personnel nous entretenons les relations les plus cordiales) pour que le processus confédéral échoue, et il fait tout pour contrer les initiatives de la Grande Loge de France, de la Confédération Maçonnique de France et du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
En effet, Roger Dachez n’est pas partie prenante « entre le GODF et la GLNF », mais il agit pour le GODF et la GLNF, contre la GLDF et la CMF. Là est le vrai clivage.
Roger Dachez est pour le statu quo ante. « La situation est redevenue presque « normale » : il y a une obédience « régulière et reconnue », comme depuis un siècle en France, et de l’autre les « non-reconnues » nous dit-il.
En bref d’un côté le Grand Orient de France (qu’il a raison de nommer la Maçonnerie politique) et de l’autre la Grande Loge Nationale Française (la maçonnerie clubiste à l’anglo-saxonne). Et chaque obédience française devrait se ranger derrière l’une ou l’autre bannière.
Comme disait Malraux à de Gaulle : « Mon général entre le Parti Communiste et nous il n’y a rien ».
Roger Dachez dit d’ailleurs beaucoup de bien… des deux ! De la GLNF comme du GODF. Car il a fondamentalement cette version binaire de la Franc-Maçonnerie Française. Et ces deux obédiences ont un intérêt immédiat commun urgent : empêcher la création et le développement de la Confédération Maçonnique de France qui se pose d’emblée comme une alternative crédible et séduisante au choix qu’on souhaite nous imposer entre le GODF et la GLNF.
En effet, beaucoup de franc-maçonnes et de francs-maçons n’ont ni envie de se soumettre ni envie de se démettre et de se placer en orbite derrière le GODF ou la GLNF.
Ces francs-maçons libres ont en effet une vision multipolaire et indépendante de la Franc-Maçonnerie.
Je pense évidemment à la Confédération Maçonnique de France (CMF), qui avec la Grande Loge de France (GLDF), la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique de France (GL-AMF) et la Grande Loge Indépendante de France, (GLIF), autour d’un rite pratiqué par la grande majorité de la CMF, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, en harmonie avec d’autres rites, veut proposer une vraie alternative à un choix pauvre et réducteur entre la maçonnerie politique et la maçonnerie clubiste : celle d’une maçonnerie traditionnelle, régulière, spiritualiste et humaniste.
Mais je pense aussi au pôle mixte spiritualiste et sociétal, autour de la Fédération Française du Droit Humain.
A la Franc-Maçonnerie féminine, symboliste, rigoureuse, régulière et sociétale autour de la Grande Loge Féminine de France.
Celles-ci et ceux-là comptent, dans leur spécificité, dans leur histoire.
Ces pôles là non plus n’ont ni le souhait ni l’envie d’être inféodé à l’un ou à l’autre.
Et c’est bien là que tout se joue.
L’échec de la Confédération Maçonnique de France serait à cet égard désastreux car le carcan du choix entre les deux grands pôles (politique et clubiste) se refermerait inexorablement. Et chacun devrait alors choisir et faire fi de son indépendance et de sa souveraineté. Sinon « légalement » du moins dans les faits.
Le succès de la CMF au contraire, garantira pour toutes et tous la multipolarité de la Franc-Maçonnerie Française et l‘indépendance de ces composantes.
Et souvent Roger Dachez pousse le bouchon un peu loin dans sa démonstration.
Je ne vais pas relever tous les points mais lorsqu’il dit par exemple « Au XVIIIème siècle, en France, les Frères qui possédaient des grades « écossais » travaillaient en loge bleue selon le Rite Moderne, qu’on nommera plus tard le Rite Français », il sait que cette affirmation n’est pas exacte.
Il fait une confusions entre « écossais » et « ancien ». Non les frères « écossais » des loges bleues ne travaillaient pas avec le rite « moderne » stricto sensu.
Dans les loges écossaises les frères étaient revêtus de leurs décors du plus haut de leur grade écossais en loge bleue, il y avait la circulation du mot, l’acclamation « houzé-houzé-houzé » et la position particulière des colonnes Sagesse – Force – Beauté.
Les frères savaient parfaitement qu’ils étaient dans une loge « écossaise » et non andersonnienne, moderne.
L’inversion des colonnes B et J (et donc des mots), l’emplacement des surveillants (tels que dans Three Distincts knocks) en loge viendront en effet avec l’arrivée du rite ancien en 1804 avec de Grasse-Tilly.
A partir de 1804 en effet on peut parler de « rite écossais ancien ». La Grande Loge Générale Ecossaise (entre septembre et décembre 1804 avant d’être contrainte à s’intégrer au GODF par le Concordat Impérial) sera la Grande Loge de France de rite ancien.
Mais le rite écossais prééxistait au rite ancien. Un rituel de Maître écossais (degré supérieur à celui de Maître Maçon, 3ème) est connu à Bath en 1735 alors que le Grande Loge des Anciens ne sera fondée qu’en 1751.
Nous connaissons en Belgique des loges travaillant au rite écossais. Dans un texte publié notamment par Goblet d’Aviella.
Nous connaissons aussi la loge du Marquis de Gage.
En France même nous avons des exemples de loges écossaises.
Par exemple la loge « le Patriotisme » à l’Orient de Versailles en 1765.
Le Vénérable Maître jure au nom de tous de travailler au rite écossais.
L’orateur de cette loge « Le Patriotisme » écrit en 1785 un livre intitulé « l’asile des sages » que l’on peut trouver à Alençon au fond Gaboriat.
Dans cette loge il y a circulation du mot, colonnes, mot B et J au lieu de J et B, Houzé, invocation au Grand Architecte de l’Univers.
Il raconte dans ce livre, « l’asile des sages », que la loge de Berlin avec qui il est en contact travaille également au Rite Ecossais. Et concernant le roi de Prusse, Frédéric II : « le roi en tenue a une attitude modeste et il a donné des constitutions aux Francs-Maçons ».
C’est d’ailleurs l’un des rares témoignages de l’authenticité des « Grandes Constitutions » dites de Berlin de 1786 dont beaucoup pensaient qu’elles étaient apocryphes. Ces grandes constitutions qui auront un rôle majeur dans la création du 1er Suprême Conseil à Charleston en 1801.
Il faut absolument lire les nombreux articles de Claude Gagne, ainsi que les libres majeurs d'Alain Bernheim et de Louis Trébuchet pour connaître réellement la genèse de l'écossisme, du REAA en France et à l'étranger.
Mais voici, et c’est ce qui me désole le plus, le fond de la pensée de Roger Dachez : « Le mythe des « 33 grades de l’Ecossisme », entretenu par ses textes fondateurs – eux-mêmes mythiques puisque grossièrement antidatés – n’a jamais eu de réalité qu’en France, entre 1821, date de création réelle du Suprême Conseil de France actuel, et 1894, quand fut établie, sous la contrainte, la Grande Loge de France ».
Si je lis bien, le Rite Ecossais Ancien et Accepté en 33 degrés ne serait donc qu’un rite illégitime inventé et propagé par des faussaires ? Et que depuis le commencement le Suprême Conseil de France (et donc la Grande Loge de France) est une puissance maçonnique illégitime?
Puisque lorsqu’on formule un raisonnement aussi tranchant il faut aller jusqu’au bout.
Alors je le dis clairement : si le REAA est aussi vil et si les institutions qui l’incarnent sont aussi peu légitimes, pourquoi importerait-il donc aux « vrais maçons » des « vrais rites » de garder des relations avec lui… ?
Roger Dachez devrait, au contraire, être le premier thuriféraire de la CMF qui séparerait ainsi enfin le bon grain, (GODF, GLNF, RF, RER, Emulation…) de l’ivraie (REAA, CMF, GLDF, GL-AMF).
Les frères de la CMF, de la GLDF, de la GL-AMF savent maintenant parfaitement à quoi s’en tenir sur l’opinion que l’on peut avoir sur eux. Et qu’ils ne se trompent pas sur les « assauts de fraternité » dont ils sont l’objet.
Qui trop embrasse, mal étreint.
Mais surtout, cheery on the cake, comme dirait Alain Bauer, voici l’explication de la crise de la GLNF selon Roger Dachez. Vous vous en doutez, la faute évidemment aux frères du Rite Ecossais Ancien et Accepté :
« Mais que la volonté impérialiste de ce Rite, dont les plus « hauts gradés » considèrent volontiers, et enseignent à leurs adeptes, que c’est le seul Rite maçonnique digne de ce nom, ait conduit aux désordres qui ont pendant deux ans pollué l’atmosphère de la maçonnerie française, est une chose beaucoup moins acceptable ».
C’est le rite écossais qui a conduite aux désordres qui ont « pollués » l’atmosphère depuis deux ans ? Faire porter le chapeau a ceux qui ont résisté au système vicié de la GLNF de 2012 il fallait le faire…
Quel aveuglement … En effet aux yeux de Roger Dachez ce sont les frères du REAA de la GLNF qui sont les coupables ! Ceux qui ont dénoncé les errements de Foellner-Charbonniaud-Stifani ! Ceux qui ont eu le courage de dire non au système GLNF et de partir ! Ceux qui n’admettent ni le système ni les amis russes, ni les Bongo, Sassou-N’Guesso et compagnie ! Ceux qui n’en pouvaient plus des affairistes et des compromissions.
Ceux qui, aujourd’hui, veulent, avec leurs frères de la Grande Loge de France, écrire une nouvelle page de l’histoire maçonnique de notre pays.
Et l’on pense vraiment que les frères de la GLDF vont, en décembre, claquer la porte au nez de leurs frères de la GL-AMF et de la GLIF en ne votant pas les modifications statutaires nécessaires, qui ne sont que la transposition des mesures déjà votées depuis deux ans ? Mais ça, ce serait vraiment la honte…
Et puis, la Franc-Maçonnerie ce n’est pas qu’une succession d’actes notariaux.
On voit bien, depuis la Franc-Maçonnerie pré-andersonnienne jusqu’à aujourd’hui, une continuité de pensée, une continuité philosophique de la maçonnerie écossaise.
Malgré une quinzaine de tentatives de fusion ou d’absorption de la part du Grand Orient de France depuis 1773, la franc-maçonnerie écossaise a toujours su garder son indépendance et son chemin particulier. Ce ne fut jamais un long fleuve tranquille…
Aujourd’hui il est proposé à la Franc-Maçonnerie Ecossaise (GLDF, GL-AMF) de s’unir dans une Confédération Maçonnique de France pour officialiser et concrétiser cette indépendance. Et de s’unir avec des frères pratiquants d’autres rites mais qui ont la même visions, à la fois régulière et traditionnelle, mais aussi spiritualiste et humaniste.
Entre un pôle politique et social (celui du Grand Orient de France) et une obédience reconnue par Londres (la GLNF qui fonctionne en autarcie). Roger Dachez a raison de noter que la maçonnerie écossaise a historiquement pratiquement aucun rapport avec la maçonnerie anglaise. C’est bien pourquoi la GLDF comme la CMF n’ont jamais eu de relations avec la GLUA.
Les autres ont parfaitement le droit de s’organiser comme ils l’entendent. Ils sont légitimes à le faire.
Mais les frères de la CMF aussi. Car ils proposent aux hommes d’aujourd’hui une voie originale qui peut répondre à leurs questionnements métaphysiques les plus intimes. Avec une méthode originale et éprouvée par le temps, pour y répondre.
Non pas un espace où « les Frères et les Grandes Loges qui se reconnaissent exclusivement dans ce Rite, se parleraient d’eux-mêmes à eux-mêmes, sans être forcés de parler aux autres », comme le dit de façon un peu méprisante Roger Dachez, mais un parcours initiatique de perfectionnement pour des hommes qui parlerons d’autant mieux aux autres qu’ils sauront qui ils sont vraiment.
Pour sortir de la confusion et de l’ambiguïté par le haut, par la voie symbolique et métaphysique du rite, pratiqué dans son authenticité originale et donc initiatique.
C’est cette idée de la Franc-Maçonnerie que nous devons être capables de proposer et de promouvoir.
Voilà les vrais enjeux pour demain.
En effet c’est la rentrée, et elle s’annonce animée…
Jean-Laurent Turbet
° Pour aller plus loin :
° Vers la réunion de la famille du REAA en France. Décision majeure du SCPLF, sur ce site.
° Lettre de Jean-Luc Fauque, SGC du SCPLF, sur ce site.
° GLDF : Rendez-vous avec son histoire. CMF et fraternité universelle, sur ce site.
° La CMF répond à la déclaration de Berlin des 5 Grandes Loges européennes, sur ce site.
° La déclaration de Berlin du 24 juillet 2014, sur ce site.
° GLNF & CMF, déclaration choc des 5 GL d’europ., sur le site La Lumière de François Koch.
° Convent GLDF : Marc Henry réélu. Unité , sérénité et dynamisme, sur ce site.
° Poursuite de la CMF votée au Convent 2014 de la GLDF, sur ce site.
° GLDF 2014 : Un Convent de Liberté, sur ce site.
° Exclusif, la GLUA reconnaît de nouveau la GLNF, sur ce site.
° Exclusif : Alain Graesel défend la GLDF attaquée avant son Convent de juin 2014, sur ce site.
° Histoire maçonnique : Louis Trébuchet répond à Gérard Contremoulin, sur ce site.
° Visites vous avez dit visites, sur ce site.
° La Circulaire Générale N° 35 , sur ce site.
° GLIF, régularité, tradition et recherche de la reconnaissance internationale, sur ce site.
° RPMF : La Grande Loge de France a son destin en main après Vienne et Baltimore, sur ce site.
° GLTSO : Pourquoi nous quittons la Confédération, sur le site de La Lumière de François Koch.
° Baltimore 2014 : Extraits du rapport de la commission de reconnaissance, sur le site La Lumière de François Koch.
° Déclaration de Vienne, des 28 et 29 janvier 2014, sur le site La Lumière de François Koch.
° Avenir de la GLNF : Plusieurs articles dans Nice-Matin, sur ce site.
° CMF : La Grande Loge de France adopte à plus de 86% les statuts et règlements de la Confédération Maçonnique de France, sur ce site.
° Les règlements et statuts de la Confédération maçonnique de France, sur ce site.
° CMF : Les règlements et statuts sont signés, sur ce site.
° RPMF : Les 5 GL européennes accueillent la Confédération Maçonnique de France avec enthousiasme !, sur ce site.
° La ballade irlandaise des frères français, sur ce site.
° Le courrier des 5 GL européennes du 10 juillet 2013, sur ce site.
° RPMF : « Déclaration de Paris » du 3 juillet 2013. La CMF va de l’avant ! , sur ce site.
° Le texte de la « Déclaration de Paris » du 3 juillet 2013, sur ce site.
° Le traité fondateur de la Confédération Maçonnique de Franceet le protocole d’Intervisites, sur ce site.
° Convent 2013 historique de la Grande Loge de France. La Confédération Maçonnique de France créée, sur ce site.
° Première tenue « confédérale » à la Grande Loge de France, sur ce site.
° RPMF : Le prétexte LNF, sur ce site.
° RPMF : Le Pari Confédéral, sur ce site.
° RPMF : Des réponses aux rumeurs qui font peur ! , sur ce site.
° RPMF : Tenues communes pour les frères des cinq Obédiences Régulières françaises, sur ce site.
° RPMF : Conférence de presse de Marc Henry et des Grands-Maîtres des obédiences régulières françaises, sur ce site.
° Marc Henry (GLDF) : « La Confédération aura une direction à 5 têtes. »,sur le site La Lumière de François Koch.
° La Grande Loge Indépendante de France est consacrée, sur ce site.
° GLTSO : le Grand-Maître Jean Dubar parle de la recomposition du paysage maçonnique français, sur ce site.
° RPMF : La Confédération des Grandes Loges Traditionnelles Régulières est en marche, sur ce site.
° Déclaration des cinq Grandes Loges Françaises du 18 décembre 2012, sur ce site.
° Déclaration des cinq Grandes Loges Régulières du 12 septembre 2012, sur ce site.
° GLNF : Le texte de la GLUA qui enlève la reconnaissance (explications), sur ce site.
° GLNF : La reconnaissance anglaise, c’est fini, sur ce site.
° La Grande Loge de France confirme que les négociations sont engagées avec les 5 Grandes Loges européennes, sur ce site.
° La Grande Loge de France accepte d'ouvrir des discussion avec les 5 grandes loges régulières européennes, sur ce site.
° La Grande Loge de France en pleine forme et très convoitée avant son Convent, sur ce site.
° Après l'appel de Bâle des grandes loges réagissent, sur ce site.
° Le communiqué de Presse officiel de la Grande Loge de France, sur l'élection de Marc Henry, sur ce site.
° Marc Henry élu Grand-Maître de la Grande Loge de France, sur ce site.
° La GLDF répond officiellement aux 5 obédiences européennes, sur ce site.
° La déclaration de Bâle du 10 juin 2012, sur ce site.
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