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Le Blog des Spiritualités

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Gnose, Esotérisme, Franc-maçonnerie, Hermétisme, Illuminisme, Initiation, Kabbale, Martinisme, Occultisme, Religions, Rose-Croix, Spiritualités, Symbolisme, Théosophie, et toutes ces sortes de choses...


Héritages et ruptures en milieu protestant, par Elisabeth Parmentier.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 4 Février 2007, 02:27am

Catégories : #Protestantisme

Du 31 janvier au 2 février 2006, le colloque de l’Institut Supérieur des Études Œcuméniques (ISEO) de l’Institut Catholique de Paris a rassemblé plus de trois cents participants autour de la question de l’herméneutique biblique en perspective œcuménique. Organisé en partenariat avec le Service biblique catholique Évangile et Vie, le Service biblique de la Fédération protestante de France et l’Alliance biblique française, il a fait intervenir des spécialistes représentants chacune des confessions chrétiennes, selon la féconde spécificité de l’ISEO.

Je vous propose de lire ci-dessous la contribution d'Elisabeth Parmentier, intitulée Héritages et Ruptures en milieu prostestant.

 Élisabeth Parmentier
Présidente du Comité exécutif de la Communion ecclésiale de Leuenberg
Présidente de la Communion des Églises protestantes en Europe
Enseignante à Université Marc Bloch (Strasbourg)
Voir aussi son
interview dans Catho-Theo.net

Les traditions issues de la Réforme sont généralement caractérisées par leurs ruptures, tant elles ont cherché, par souci de la Vérité, à se démarquer de ce que les Réformateurs considéraient comme égarement par rapport à l’Église ancienne. Le souci de la Réforme était en fait de renouer le lien continuité avec la tradition de l’Église ancienne, et de marquer la rupture par rapport à la scolastique, à cause de son hypertrophie du pouvoir ecclésial et de l’éloignement de l’Église par rapport aux textes bibliques. Les transformations postérieures à la Réforme sont restées dans la ligne de leur origine, mais en réinterprétant avec des accents liés à leur époque. J’insisterai donc sur ses fondements originels pour en montrer les variations. Les « slogans » protestants = les « soli » (sola gratia, solus Christus, solo verbo, et surtout ici le sola scriptura) ont été infortunément compris comme des principes absolutisés alors qu’ils étaient d’abord polémiques et ne signifiaient pas exclusivité, mais dialectique asymétrique. Pour l’herméneutique biblique l’enjeu se cristallise sur l’autorité de la Bible sur l’Église, ainsi que sur le lien à l’origine et sa transmission.

A) Le « sola scriptura  » de la Réforme : l’Écriture comme juge

Le lieu de rébellion de Luther : « Me voici. Je ne puis faire autrement » à la Diète de Worms en 1521 est couramment interprété comme rébellion de la conscience individuelle contre l’autorité de l’Église et du magistère. Cela est vrai et faux. Faux dans la manière dont cette phrase a été coupée et réinterprétée par le néo-protestantisme et le « grand public » aujourd’hui, comme le choix de l’individu responsable face à une Église qui l’infantilise. Or la citation doit être donnée en entier : « À moins qu’on me convainque autrement par des attestations de l’Écriture ou par d’évidentes raisons... je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu. » Les « Évidentes raisons », c’est la raison éclairée par la foi, autrement dit par le Christ. L’accent n’est pas mis sur l’autorité de la raison individuelle, mais sur la personne prise par le texte et soumise à l’autorité du Christ révélé par le texte biblique. Donc le maître n’est pas la subjectivité mais l’Évangile révélé par l’Écriture, qui est en fait l’instance la plus objective possible pour Luther.

La 1ère polémique du sola scriptura s’oppose à la raison « naturelle. » Il n’est pas besoin d’une instance qui viendrait éclairer l’Écriture de l’extérieur, mais c’est au contraire l’Écriture « claire » en elle-même, qui éclaire la raison, la vie et l’Église ! Ce n’est pas la raison humaine (ou ecclésiale) qui triomphe des obscurités du texte biblique mais le texte qui surmonte les obscurités de l’Homme. Or pour la théologie scolastique (héritage de la philosophie grecque), la raison supérieure permettrait la connaissance et la clarté de la révélation de Dieu, et les actions de la raison inférieure qui en découlent sont les bonnes œuvres, d’où le lien entre libre-arbitre et bonnes œuvres. Pour Luther, même la raison supérieure demeure concentrée sur les besoins de l’Homme naturel et le bien-être de la personne elle-même. La raison ne peut donc avoir suffisamment de maîtrise pour endiguer la concentration sur soi. L’Homme est donc certes un « animal rationnel », mais sa raison n’est pleinement éclairée que par la foi. Donc l’Écriture est claire parce qu’elle est habitée par le Christ. D’où une définition théologique de la personne nouvelle : relationnelle. L’identité humaine n’est constituée que dans la relation à Dieu. L’Homme est appelé par Dieu à être un répondant, car Dieu est un Dieu de la relation et de la parole (« verbatus deus », cf Luther dans Weimarer Ausgabe, 31,1).

La 2e polémique du sola scriptura s’érige contre le pouvoir du clergé : quelle autorité interprète la Bible et selon quels critères ? Pour l’Église de la scolastique, c’est le magistère avec l’Esprit Saint qui est dans l’Église. (Ce qui permettrait même de corriger l’une ou l’autre « erreur » dans les textes eux-mêmes ?) Pour Luther, l’Esprit Saint est d’abord lié à l’Écriture, et celle-ci est elle-même lieu de vérification et donne ses propres clés d’interprétation. Elle n’est pas seulement porteuse d’un contenu (comme aussi d’autres textes), mais elle offre la force transformatrice de l’Évangile, elle crée la foi en réalisant plus qu’une communication : une communion entre Dieu et l’Homme. Le « Sola » comme principe de démarcation dit avant tout une non-immédiateté d’accession à la révélation par l’Église comme « continuité naturelle » des apôtres. La « succession apostolique historique » n’est pas la succession épiscopale sur les sièges historiques, mais le canon biblique et plus tard ses interprétations (cf Eberhard Jüngel). La médiation nécessaire pour comprendre la révélation est donc le témoignage du Saint Esprit au cœur du travail interprétatif sur le texte.

La pensée de la Réforme luthérienne se caractérise par des tensions dialectiques :

- Parole-Esprit : Le problème de la « clarté de l’Écriture » fut abordé notamment dans la dispute de Luther avec Érasme. Dans De servo arbitrio en 1524, Luther affirme que l’Écriture est absolument claire ! Il y a une double clarté de l’Écriture, à laquelle correspond une double obscurité chez l’Homme : ce n’est donc pas le texte qui est obscur, mais la raison humaine aveuglée par le péché et même ennemie de parole de Dieu.

L’Homme naturel n’est pas l’avocat du texte et l’Écriture doit le vaincre ! Elle le fait d’une part grâce à la « clarté externe » (claritas externa), la matérialité de la lettre, d’où la nécessité d’un travail précis sur le texte pour découvrir cette « parole externe. » Or comprendre n’est pas seulement une spéculation intellectuelle mais une re-connaissance qui suscite plutôt la résistance que l’accord, car c’est la découverte de la reconnaissance de l’autorité de Dieu. On pourrait parler d’une fonction sotériologique : l’Homme a besoin de la parole externe pour s’y cramponner.

D’autre part, l’Homme dispose de la « clarté interne », la claritas interna, manifestée au cœur de l’Homme, mais pas à comprendre au sens émotionnel mais existentiel, touchant la personne tout entière. Elle est manifestée par le témoignage du Saint Esprit, qui permet d’accéder à la « chose » du texte. La clarté du texte est celle de la « chose » qu’est la révélation de Dieu en Jésus Christ (la clarté interne, c’est le Christ comme révélation de Dieu). Mais l’Esprit se sert des textes, et cette révélation passe par des mots (même si elle ne se limite pas à eux). L’Esprit rend la parole vivante en montrant Christ comme Seigneur (qui ressuscite la lettre pour en faire une parole adressée). La parole biblique ne disserte pas sur le Christ dans l’absolu, mais c’est Christus pro nobis ! Il y a un chemin réciproque : l’Homme est saisi par la révélation dans l’Écriture, et ainsi il comprend l’Écriture. Aujourd’hui nous dirions : l’interprète se découvre interprété (Pierre Bühler) !

- Écriture-Évangile ou Écriture-Parole de Dieu : L’Évangile est la parole adressée de Dieu comme centre de l’Écriture et de la théologie : recevoir le Christ comme don de la présence de Dieu lui-même. L’autorité de la « chose » de l’Écriture peut s’opposer à la lecture individuelle et à des interprétations fausses. Aussi l’Écriture est-elle juge de l’Église, car lorsque le Saint-Esprit éclaire l’Église (ou la vie du croyant), c’est toujours à travers la parole biblique. L’Écriture est parole de Dieu, parallèle à l’incarnation du Christ : la parole de Dieu se lie à la lettre de la Bible (dans une analogie avec le lien inextricable pour Luther des deux natures du Christ), il n’est donc pas possible de distinguer un noyau intemporel de « couches » historiques. Elle est parole de Dieu indépendamment de la perception que nous pouvons en avoir (un moyen de grâce transmet la grâce de par sa substance, indépendamment de l’utilisation - il y a ici une différence avec Calvin . Mais l’utilisation qui confirme cette substance en est décisive). La Bible est ainsi parole de Dieu mais l’Homme ne la reconnaît pas comme telle. Luther se distancie de deux fausses compréhensions : l’intériorisation détachée de la parole externe, et aussi une pure extériorité accordant un pouvoir ex opere operato à la Bible (deux développements dont les tendances seront celles du piétisme et du littéralisme).

- Foi-science : Si la Bible s’interprète elle-même, quelle est la tâche de l’étude sur le texte ? L’insistance luthérienne sur la parole externe a pour corollaire l’insistance sur la recherche philologique, grammaticale, logique, contextuelle. Mais sa conscience de l’historicité des textes demeure soumise à son affirmation de foi que c’est la révélation de Dieu se servant de l’Homme. Pour Luther le travail exégétique et l’ouverture à la grâce sont inséparables, dans un seul même mouvement, car c’est l’Esprit qui confère la capacité à ce travail, qui est surtout une passivité d’apprentissage (d’où la différence entre notre notion actuelle de « savoir » et la conception luthérienne de « reconnaître », sentire). La recherche de la vérité n’est pas réduction à l’univocité mais ouvre à une interprétation et donc à la responsabilité de la foi, à l’aide de la lettre (mais pas en dépendance de celle-ci). Parmi les sens de lecture hérités du Moyen Âge, Luther met l’accent d’abord sur le sens littéral, mais en précisant que c’est le Christ ! Le sens allégorique est de plus en plus critiqué même s’il l’emploie notamment dans son utilisation de « figures. » Il s’identifie plutôt au sens tropologique = comment cette parole est-elle « pour moi » et a-t-elle des conséquences dans ma vie ?

- Loi-Évangile : Le vrai changement chez Luther réside dans le dépassement de ces catégories classiques pour une dialectique issue de la dialectique paulinienne Esprit-Lettre : « Loi et Évangile » (ou responsabilité et grâce, Forderung-Zusage) : la « Loi » renverse l’auto-satisfaction de l’Homme en lui montrant ce qu’il devrait être, ses limites et ses incapacités, l’ « Évangile » le relève en lui offrant l’assurance de la communion avec Dieu comme identité fondamentale. Les deux réalités ne s’identifient pas à l’AT et au NT et ne sont pas liées à certains livres, mais chaque texte biblique peut toucher l’Homme comme Loi ou Évangile !

B) Une absolutisation du sola scriptura : les orthodoxies et le littéralisme biblique

De la 2e partie du 16e s. au début du 18e règnent les conflits confessionnels entre catholiques et protestants. Cette période est marquée par la quête d’un nouveau rapport à l’origine hérité de l’humanisme et de la Réforme, qui sera résolu différemment dans la tradition catholique et dans la tradition protestante lors de leur entrée en modernité. Si les controverses portent justement sur la Bible, c’est selon Pierre Gisel la marque d’une rupture : La Bible n’est plus simplement un élément de liturgie et de culte, un réservoir d’images pour la piété mais « l’enjeu central d’une quête et d’un combat de légitimation. » Et la légitimation est notamment celle de l’autorité pour la quête de l’origine fondatrice : « Du côté catholique, explicitement, c’est l’Église apostolique qui constitue l’origine absolue ; pour le protestant, le canon juif apparaît au contraire originaire au même titre que le Nouveau Testament. » L’Église n’est pas niée mais elle est celle qui reconnaît en l’Écriture l’autorité divine et non celle qui représente le divin. Plusieurs malentendus protestants guettent cette orientation : le sola scriptura comme immédiateté de la révélation ; la tentation d’historicisme ; la recherche du sens littéral comme réduction de la pluralité des lectures. Dans le contexte de l’orthodoxie tant luthérienne (Matthias Flacius Illyricus) que réformée (Consensus Helveticus, 1675), 3 décalages se manifestent par rapport à la Réforme :

-  la Bible est alors considérée comme parole de Dieu avec une quasi divinisation de la lettre vue comme infaillible et transcrite telle quelle sous l’inspiration de l’Esprit (avec l’hébreu directement inspiré par Dieu jusque dans la vocalisation, en opposition au grec et au latin de la Septante et de la Vulgate, terrain catholique !). C’est alors la lettre qui est révélation. Un avantage de cette dérive fut l’enseignement systématique de l’hébreu dans les lieux de formation théologique (et son corollaire : une grande réception de la tradition juive dans la théologie protestante), l’insistance sur une rigoureuse catéchèse biblique et la traduction de la Bible dans plus de mille langues par les « Sociétés bibliques », notamment pour les pays de mission, au 19e et 20e s. Le piège est la lecture littéraliste, différentes formes de « fondamentalisme » (terme choisi par les partisans de cette orientation aux USA en 1920), en particulier à partir du 19e s. (en opposition à l’exégèse historico-critique) dans les pays anglo-saxons, avec une influence importante sur leurs lieux de mission !

-  Le paradoxe d’une lecture de type rationaliste, pourtant opposée aux sciences, apparaît, parce que le sens littéral et historique est vu comme inerrant. Dans cette option rationaliste de l’histoire, l’origine est immédiate et transparente, ce qui occulte la possible pluralité de sens.

-  Le contexte historique du texte biblique devient lieu d’identification immédiate.

Plusieurs mouvements se sont identifiés au peuple juif, à son statut prophétique et à ses souffrances comme à sa sortie libératrice d’Egypte. La continuité avec la Réforme demeure : l’Écriture éclaire la vie, elle s’interprète elle-même, elle est parole de Dieu et norme et juge de la foi. Mais la dialectique de la Réforme se modifie : ici le lieu de la clarté interne est l’intériorité de l’Homme et la clarté externe est comprise comme inerrance de la lettre du texte biblique ! La liberté d’interprétation étant niée, le témoignage du message biblique est de l’ordre de la répétition d’un sens historique conservable et réapplicable. L’origine devient immédiatement revivable !

À la fin de cette partie il faut évoquer un malentendu tenace : que les Églises évangéliques seraient littéralistes. Certes, en général elles sont réfractaires à l’exégèse historico-critique qui leur paraît peu apte à transmettre un message pour la foi. Elles pratiquent plus volontiers « l’exégèse grammaticale », qui compare les textes entre eux (les clés de l’Écriture fournies par l’Écriture elle-même !). Mais cette méthode n’est pas pour autant littéraliste puisqu’elle admet l’interprétation. Il peut y avoir lecture littéraliste aussi dans des Églises luthériennes ou réformées.

C) Le sola scriptura émancipé de l’Église : les études historico-critiques

La Réforme a-t-elle eu une influence sur la recherche historico-critique, née dans la théologie libérale allemande protestante du 19e s. ? Non, tout comme le piétisme, autre mouvement du 19e s., ne relève pas directement de la Réforme. Pourtant il est vrai que la théorie luthérienne de la double clarté de l’Écriture a pu conduire à une réception contradictoire : dans le piétisme (Zinzendorf), l’accent porte sur la clarté interne : la foi est décisive pour véritablement lire la Bible. À l’opposé, chez Semler, la clarté externe a débouché sur une lecture émancipée de la foi : chacun, même non croyant, peut entrer dans une lecture scrupuleuse du texte, car l’Esprit ne fait pas ce travail ! Cette séparation aujourd’hui courante du travail de Dieu/de l’Esprit = créer la foi, et du travail de l’Homme = faire l’exégèse du texte, ne correspond pas à la pensée luthérienne qui les conçoit en relation dialectique, et l’interprète est pleinement engagé non seulement dans l’étude mais dans le processus transformateur initié par le texte. Certes il a ouvert aux prémices de l’étude scientifique du texte, dans son souci du retour à la langue originelle et au texte lui-même. Mais la lecture historico-critique est plutôt le fruit des humanistes philologues et grammairiens (Lorenzo Valla, Lefèvre d’Étaples, Érasme) qui avaient dès le 15e s. préparé le terrain d’un retour aux sources des langues originelles, relativisant le texte reçu dans l’Église.

La théologie libérale protestante va opérer une rupture décisive, avec son postulat historico-critique selon lequel le sens du texte est le sens historique, celui que l’auteur a voulu donner dans son contexte particulier et situé. Ici c’est donc l’histoire qui éclaire l’Écriture ! L’exégèse comme investigation scientifique et historique se situera alors comme l’instance compétente et autorisée, prenant le pas sur l’autorité de la tradition ecclésiale, tout comme de la dogmatique. Le souci historique remplace la quête du kérygme de foi ; l’intention du rédacteur biblique précède l’interprétation christocentrique ; la méthode emprunte les instruments du siècle et confère à la rationalité scientifique l’hégémonie sur la raison éclairée par la foi. Aujourd’hui ces positions qui ont pu déboucher sur un véritable historicisme sont plus nuancées. Mais la question demeure enjeu de discussion au sein même des milieux exégétiques : l’exégèse historique veut-elle s’affirmer comme autorité sur le texte (et donc être l’instance herméneutique autorisée) ou se mettre à l’écoute de ce que le texte exprime déjà par lui-même (et donc n’être qu’un instrument et une étape de l’interprétation) ?

Le sociologue américain Peter Berger défend la thèse (déjà soutenue par Max Weber) que ce développement est un paradigme de la confrontation entre tradition religieuse et modernité : « Cas inouï dans l’histoire, des professeurs officiellement appointés en tant que représentants d’une tradition religieuse ont été capables de tourner un appareil d’analyse extrêmement critique contre les écritures sacrées de leur propre tradition. On peut y voir une sorte d’héroïsme intellectuel (...) Pendant ce même dix-neuvième siècle, l’attitude générale du catholicisme romain à l’égard de la sécularité moderne a été (peut-être tout aussi héroïquement) celle de la méfiance (jusqu’au 20e s. où les exégètes catholiques ont connu une confrontation analogue avec leur tradition). » La théologie protestante libérale et bourgeoise se caractérise à cette époque par un optimisme confiant dans le progrès scientifique de l’Homme, optimisme qui s’achève brutalement en 1918.

- Karl Barth = la Parole de Dieu éclaire l’Homme.

Karl Barth renverse la perspective et introduit une nouvelle période (mais qui n’est pas faite seulement de rupture) par rapport à l’époque de Schleiermacher, dès l’accent de son Commentaire de l’Épître aux Romains de 1919, insistant sur le retour à l’importance de la parole de Dieu comme une donnée précédant toute réflexion et emprise humaine. Cette théologie prend tout son sens dans le cadre historique des deux Guerres (face auxquelles les plus célèbres des théologiens libéraux ne surent pas se situer), plus tard de la montée du nazisme. C’est une théologie insistant sur la foi, qui n’est pas effet de l’entreprise humaine, mais don de la grâce de Dieu. Dans cette perspective, faut-il considérer Barth comme tenant de ce que l’on a appelé la « néo-orthodoxie protestante », et selon le sociologue Peter Berger la tentative de « restauration de la tradition ecclésiale » ? Pierre Gisel pense que c’est une erreur de perspective. Certes Barth s’est insurgé contre les positions de Harnack qui affirme l’importance du « savoir historique et de la réflexion critique », ainsi que de la morale et la culture, face à l’expérience subjective du lecteur, à « l’enthousiasme » sous prétexte de foi ou la fuite hors du monde. Il veut renouer radicalement avec l’Écriture éclairant l’Homme. Sa protestation, qui n’était pas celle d’un exégète mais d’un pasteur et systématicien portait sur le fait que la révélation biblique remet en question les voies humaines psychologisantes ou les historismes, pour remettre en valeur la distance entre Dieu et le monde, la théologie de la croix, le Dieu inatteignable. Mais plutôt que de renouer directement avec la Réforme, Barth est davantage marqué par Kierkegaard et par Nietzsche.

- Bultmann = l’Homme moderne ne comprend plus la Bible.

L’exégèse doit se doter aussi d’un programme de « traduction » de la Bible pour une « théologie existentiale. » Initiateur de la Traditionsgeschichte et de la Formgeschichte, Bultmann est vite célèbre pour son travail sur la tradition synoptique qui est représentatif d’une prise de conscience qui a bouleversé l’époque : le retour à un Jésus historique (que souhaitait toute une partie de la théologie libérale) n’est qu’illusion, car la rédaction du NT est déjà témoignage post-pascal, donc interprétation à partir de la foi. L’exégèse historico-critique n’est donc qu’une partie du processus d’interprétation et ne peut en tenir lieu, parce qu’il manque, à la prise de distance qui se confronte à l’histoire, la dimension d’interpellation pour l’existence du lecteur du texte. Pour pouvoir offrir au lecteur une proposition d’existence de vie qui corresponde au kérygme du NT, il faut établir l’analogie existentiale entre les deux, le texte et le lecteur. Il ne s’agit donc pas simplement d’expliquer le texte, mais de présenter son interpellation pour permettre au lecteur de prendre une décision pour sa propre vie (lien avec le souci de Luther !). Cette application de l’interprétation existentiale au texte a été appliquée notamment dans la « démythologisation », la réinterprétation du discours « mythologique » - (les représentations cosmologiques de l’époque biblique mêlant le monde de Dieu et celui de l’Homme, le monde pénétré par les forces de l’au-delà) - en interpellation existentiale. Or ce langage mythologique ne concerne pas seulement quelques passages, mais le kérygme chrétien lui-même (la préexistence du Christ, l’incarnation du Christ, la crucifixion pour la rédemption comme victoire d’un combat cosmique), que l’Homme moderne dès lors « ne peut plus » comprendre et accepter tel quel. Pour Bultmann, la foi n’est pas liée à un passé mais se réalise dans l’ici et le maintenant.

Dès l’essai sur ce sujet de la démythologisation, qui ne put paraître qu’après la Guerre de 1945, la discussion fut passionnelle (pendant plus de 10 ans !), car c’était là une « sécularisation » de la pensée biblique, comme on a pu la trouver dans d’autres procédés, dans les traductions en termes d’éthique, ou en terme de philosophie, ou en termes politiques. Le risque de cette entreprise est d’affadir le contenu biblique et de le priver de transcendance. À l’époque, Bultmann était déjà reconnu comme professeur de NT, connu pour sa participation à la théologie dialectique et à l’Église confessante, et on le soupçonna de revenir à la théologie libérale et de marchander avec son siècle ! Peter Berger voit dans la théologie de Bultmann une option différente de celle de Barth : non pas revenir à la tradition mais la traduire en termes de sécularité. Pour lui, le vrai « saut » de ce modèle est le postulat épistémologique que la conception de l’Homme moderne est supérieure aux visions du monde qui l’ont précédée (notamment les visions mythologiques), ce qui sous-entend que la conscience raisonnable de l’Homme ne peut être qu’une progression et que les modernes ont un point de vue cognitif supérieur.

La tendance du début du 21e s. montre l’erreur d’un tel présupposé : le souhait des contemporains est plutôt celui d’un « réenchantement du monde » et de l’ouverture à une lecture kérygmatique et symbolique.

- Gerhard Ebeling = La théologie herméneutique et l’exégèse historico-critiques s’imposent.

En 1950, Gerhard Ebeling plaide pour l’exégèse historico-critique comme démarche spécifiquement réformatrice, et c’est encore dans la perspective de l’origine ! Le théologien analyse de quelle façon l’Église revient à son événement fondateur au-delà de l’épaisseur du temps. Elle le fait généralement en se plaçant, par la foi, la contemplation ou l’imitation, de manière à se voir contemporaine de l’époque passée et à annihiler le temps intermédiaire (il donne pour exemple l’actualisation contemplative-historicisante soit l’actualisation imitative-historicisante, comme dans l’année liturgique ou l’imitation dans la vie monastique, les reliques ou pèlerinages, etc.). Pour l’Église catholique, l’actualisation est résolue en dehors de l’interprétation de l’Écriture, par la médiation ecclésiale notamment dans l’événement sacramentel. De plus, les institutions ecclésiales dans la succession épiscopale ininterrompue forment en quelque sorte la représentation actualisée de l’incarnation. Ce à quoi Ebeling oppose la radicalité du choix réformateur : cette actualisation de l’hapax historique n’est possible que par la foi seule (pointe anti-sacramentelle et anti-cléricale). Il y a une telle distance entre la révélation fondatrice et le présent qu’il ne reste qu’un seul pont, la parole seule, la parole du salut sola gratia sola fide. Il n’y a pas d’actualisation supplémentaire de la révélation hormis l’auto-révélation de Jésus-Christ qui nous est accessible par la grâce et la foi, ce qui met en valeur le « pro me ». La révélation et la foi, dans leur identité historique (Geschichtlichkeit) sont soumises à la fragilité et à l’ambivalence de ce qui tient à l’histoire (et donc seulement accessibles par la foi et non de manière qui s’impose dans le sens d’un opus operatum). D’où dans l’Église l’importance primordiale de la prédication qui annonce cette parole. D’où, pour la prédication, l’importance de la théologie (de la parole) qui y prépare. D’où, pour la théologie, l’importance de l’exégèse. D’où, pour l’exégèse, l’importance de son caractère historique, et critique (de la tradition). D’où, pour une théologie de la parole, l’importance des enjeux herméneutiques à cause de l’absence de recours à un magistère et de la critique à la tradition ecclésiale.

D) Les fronts actuels : le désir de l’immédiateté de l’expérience personnelle

La pléthore des nouvelles méthodes de lecture ne peut qu’être saluée comme nouvel intérêt pour la Bible et surtout la Bible qui « me concerne », avec le souci qu’elle « parle » ! L’accent sur l’importance de l’Écriture comme parole adressée et donc sur la prédication comme son actualisation permanente, a fait que le protestantisme part du principe que cet événement devra toujours à nouveau faire ses preuves et ne pas se reposer sur une institutionnalisation ou une ritualisation de la parole.

Autre spécificité de la Réforme et lien avec un souci contemporain : la foi n’est pas sans étudier et comprendre le texte. Le texte doit être livré à tous, sans préséance des « spécialistes » ou du clergé, d’où l’insistance permanente des Églises issues de la Réforme sur la formation biblique et théologique des fidèles de toute condition. Mais, dès la Réforme, il y eut crainte des lectures où l’interprète gravite autour de soi-même.

L’évolution actuelle voit le passage d’une posture de lecture appuyée sur la matérialité « externe » (cf en exégèse historico-critique accentuant la distance texte-lecteur), à une posture de lecture appuyée sur la seule « conscience » du lecteur (au sens néo-protestant qui relève du subjectivisme non tenu ni par l’Église ni par la Bible), d’où le risque d’individualisme. Après l’accent mis sur le Christ comme centre de lecture, puis le sens voulu par le rédacteur, puis la matérialité du texte lui-même et ses effets de transformation du lecteur, l’accent est posé sur l’expérience et le souci de l’interprète, avec ses risques d’absolutisation. Ceci n’est pas absolument nouveau, les lectures de type piétiste étaient aussi concentrées sur l’individu face à Dieu et à son « vécu » émotionnel et spirituel. Mais ici se pose un nouveau type de problème : si l’individu se veut « seul » face au texte, il se voit aussi seul dans son rapport avec Dieu, et n’est pas forcément lucide sur présupposés de sa lecture ! Ceci pose différentes questions :
-  La lecture biblique devient-elle lecture hors Église ?
-  Que devient l’autorité du texte, si la Bible n’est plus considérée comme faisant autorité « en soi » en tant que texte inspiré. Qu’est-ce (qui) qui fonde l’autorité biblique ?
-   La notion même de canon apparaît comme une contrainte imposée par le clergé vainqueur et n’est plus reconnue comme lieu de dialogue inter-textuel et de cadre liturgique et ecclésial commun à tous pour la vie de foi.

L’on assiste à un retour significatif aux « sens de lecture » (allégorique, spirituelle, symbolique), mais selon un nouveau critère : non plus Jésus-Christ centre des Écritures mais avec pour centre herméneutique le « sens existentiel » pour chaque lecteur. D’où un problème théologique majeur : la Bible comme parole extra nos disparaît au profit de la Bible telle que « je » peux l’accepter. Cet accent est absolument anti-réformateur car il engendre une perte de l’essentiel : la parole de Dieu « juge » !

E) Synthèse en introduction à la Table Ronde

Ce colloque est une intéressante illustration de la méthode du dialogue œcuménique : aller jusqu’à l’interrogation fondamentale de la vérité dans chaque tradition. Et ceci, non pas en juxtaposant des contenus, mais en interrogeant ce qui nous unit de manière centrale : ici la lecture de l’Écriture. Cette lecture ne se fait pas selon les mêmes présupposés et critères, mais les différences sont portées par un consensus central, la compréhension de l’Évangile du salut en Jésus Christ.

Jusqu’où ce critère central porte-t-il dans les conflits d’interprétation ? Et y a-t-il dans la lecture contemporaine, des enjeux auxquels il faut répondre ensemble et au-delà des dissensus confessionnels ?

Le titre de ce colloque insiste sur la lecture de la Bible comme interrogation pour les Églises. Il s’agit donc de partir des enjeux qui nous sont communs, de vérifier qui et comment on y répond, et comment les différences confessionnelles interviennent. Je partirai de l’accord fondamental sur trois enjeux centraux pour déboucher sur les différences de réponses, différences non pas séparatrices mais supportables pour répondre ensemble aux défis contemporains.

1) La parole de Dieu dans l’Écriture = le Christ comme don

Nous sommes d’accord pour affirmer que le christianisme n’est pas la religion du Livre, parce que dans l’Écriture nous recherchons le Christ, la « parole de Dieu » devenue homme. Nous la proclamons comme don et comme événement, dans l’Écriture prêchée et célébrée.

L’enjeu commun pour nos Églises est donc de montrer aux lecteurs et auditeurs contemporains comment la Bible est porteuse de la révélation de Dieu. Ainsi, comment actualiser l’unique événement passé (vie, mort et résurrection du Christ) de telle sorte qu’il ne soit pas seulement un passé ou un écrit (lettre morte) mais un présent et une réalisation de la présence de Dieu ? D’où l’importance de la prédication. D’où pour celle-ci l’importance de la théologie. D’où pour la théologie l’importance de l’exégèse. D’où pour l’exégèse l’importance du caractère historique et critique de la tradition (cf cette logique chez Ebeling).

Il est important pour toutes les traditions que la lecture biblique soit sensible à la différence des contextes, que le texte ne soit pas seul à être pris en compte mais aussi l’histoire de sa réception et le présent du lecteur dans son contexte culturel. Différentes approches tentent de renouer avec l’événement fondateur au-delà de l’épaisseur du temps :
-  Suspendre le temps intermédiaire entre les temps bibliques et notre temps : par la lecture contemplative et méditative où le croyant se voit comme disciple de Jésus, ou par la lecture liturgique qui anticipe la démarche eschatologique de Dieu présent au milieu des siens.
-  Mettre en valeur le temps et la distance en insistant sur la spécificité des communautés selon les époques (lecture historico-critique) afin de mieux comprendre les différences et ce sur quoi doit porter la réflexion personnelle.
-  Établir des analogies de foi entre la situation biblique et la situation des croyants contemporains en insistant sur la dimension kérygmatique et symbolique qui permet le « transport » de la Bible au présent.

La différence entre les spécificités confessionnelles se dessine en particulier dans la question : Qui éclaire qui ? L’Écriture éclaire-t-elle les générations suivantes (la Tradition) ou celles-ci doivent-elles éclairer l’Écriture ? C’est le rapport Écriture-Tradition qui est ici interrogé. L’enjeu œcuménique est classique : l’Écriture est-elle seule source et norme de foi (et c’est alors elle, sans apport extérieur, qui s’explicite elle-même = position réformatrice), ou l’Écriture est-elle englobée dans le vaste ensemble de la Tradition (= position catholique et orthodoxe) ? Un enjeu contemporain s’y ajoute : la conception même de l’exégèse : est-elle un instrument au service de la théologie et de l’Église (et donc en premier lieu du texte pour le laisser parler lui-même), ou a-t-elle l’ambition d’en être la meilleure interprète (et ainsi de pallier les difficultés d’interprétation du texte) ? Dans le second cas la tentation pourrait être de faire de l’exégèse l’autorité interprétative ! La liturgie (comprenant la prédication) représente par excellence le lieu de mémoire et d’actualisation de la fidélité apostolique et de la réalisation du don du salut en Christ.

2) La parole de Dieu comme critère de la vie de foi et de la vie d’Église

Nous sommes d’accord pour affirmer que la parole de Dieu (le Christ) est le critère qui permet de discerner l’Esprit de la lettre, la parole qui nous interprète de celle que nous y projetons. Il ne s’agit pas d’abord de la dimension cognitive, d’un savoir à propos de la Bible, mais de la dimension kérygmatique et eschatologique de la parole de Dieu comme offre de vie et comme appel à ce que nous pouvons être (pas seulement en tant qu’individus croyants mais aussi en tant qu’Églises !) Elle pousse à une conversion et se fait événement de salut pour qui la saisit comme don.

Si nous sommes d’accord pour insister sur cet aspect de « l’extériorité » de la parole de Dieu qui nous fait face (accent luthérien bien plus prononcé que dans les autres traditions), il y a un enjeu œcuménique décisif quant à l’instance qui définit comment cette parole de Dieu est à comprendre : la Réforme, et surtout la réforme luthérienne, insiste sur l’autorité de l’Écriture « seule » qui fournit ses clés de lecture, alors que pour l’Église catholique, c’est le magistère qui représente l’instance d’interprétation et que pour les Églises orthodoxes il s’agit de la divine liturgie et de l’interprétation de l’Église ancienne représentée par les Pères. Dans ces deux options c’est donc l’Église qui dit comment lire la Bible, ce qui est l’inverse de la compréhension de la Réforme.

L’enjeu contemporain qui nous réunit est la difficulté de mettre en valeur l’interprétation de la Bible selon les critères chrétiens, pour des lecteurs contemporains habitués à se forger un jugement personnel et individuel (voire individualiste.) Comment dépasser les projections idéologiques des lecteurs et rappeler l’importance du renversement qu’est celui de l’interprète interprété ?

3) La parole de Dieu comme juge

Nous sommes d’accord pour affirmer que la pluralité des lectures possibles n’est pas errance mais enrichissement pour les lecteurs. L’interprétation biblique n’a rien à craindre des méthodes d’investigation « scientifiques » qui procèdent avec des méthodes issues d’autres sciences humaines (ex : lectures historico-critique, sémiotique, narrative, etc.) Celles-ci permettent de rappeler au départ de la lecture la distance historique et culturelle entre les textes et les lecteurs contemporains, et évitent ainsi la tentation de lectures idéologiques et de fascinations diverses.

Mais ces méthodes sont avant tout des instruments de travail et non le dernier mot sur la signification d’un texte. C’est là, la ligne de démarcation entre une étape « neutre » d’étude du texte, de découverte du texte « extra nos », et l’étape différente qu’est la démarche de quête du sens pour la vie, qui est un combat avec le texte et son autorité pour la vie de foi et d’Église. Le lien entre les deux étapes est essentiel : l’étude scientifique sans la quête de foi se limite à des affirmations didactiques, l’appropriation croyante peut être naïve ou littéraliste, voire déformée et idéologique.

C’est là un enjeu fondamental qui nous est commun : la prédication qui n’a pas à « expliquer » le texte ou simplement à le « traduire » pour en faciliter la compréhension, mais à placer l’auditeur devant le défi que représente, à travers le texte, la rencontre avec Dieu. Pour Luther, cette rencontre ne plaît pas à l’Homme naturel car elle le place devant une autre autorité que la sienne : celle de Dieu sur sa vie. Et la réaction naturelle devant un texte biblique revient plutôt à occulter ou à enjoliver cette rencontre qu’à s’y confronter. Ceci explique la tentation de nombreux prédicateurs de chercher à être plaisants, ou à se réfugier dans une étude biblique qui les dispense de la dimension kérygmatique.

La discussion œcuménique sur l’interprétation de la Bible aujourd’hui ne peut faire l’économie de la réflexion sur les critères d’une lecture chrétienne : comment donner aux contemporains (qui ne sont pas nécessairement en Église) des critères d’une lecture qui ne soit pas simplement individualiste, tout en leur laissant la liberté de la découverte en fonction de leur expérience personnelle ? À partir de méthodes qui respectent la spécificité du texte dans son contexte et ses intentions d’origine, c’est l’importance du « Christ pour nous » qui ne doit pas être oubliée. Le choix du canon biblique tel qu’il se présente est un principe d’unité liturgique et ecclésial qui oriente la foi de l’Église. Pour s’opposer aux lectures destructives, les critères éthiques sont-ils suffisants ? Certainement pas, dans la mesure où ceux-ci sont souvent relatifs et contextuels. Ceci repose la question de l’instance (ou des instances) d’autorité. L’interprétation doit être attentive non seulement au texte lui-même dans son contexte d’origine mais aussi aux effets de sa réception et à leurs incidences dans le contexte culturel présent du lecteur. Ainsi elle ne porte pas seulement sur le texte lui-même mais sur tous ses effets de communication, souvent aussi décisifs que ses contenus. Le critère pour un texte porteur de la parole de Dieu est qu’il soit libérateur (même si c’est au prix d’une véritable conversion de pensée et de comportement), et tout autant qu’il délivre le lecteur du souci pour soi-même.

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